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Albert : J’ai remarqué que vous faites parfois appel à une imagerie tirée du règne végétal pour décrire l’évolution…
— …et ce n’est pas un accident. Comment imaginer la substance vivante avons-nous déjà demandé ? Eh bien ! le mode de croissance de la végétation présente une richesse d’images qui peuvent symboliser, mieux que la vie animale, la nature de cette substance.
— Pourtant, dans un entretien antérieur, vous avez évoqué le caractère accessoire de l’évolution végétale ?
— Oui, mais il se trouve que les “meubles”, comme j’ai aussi qualifié ce règne, peuvent pertinemment parler de l’occupant, soit le règne animal, qui habite la Maison de la vie. Car la structure végétale délimite les contours de l’usager.
La distinction entre la vie végétale et la vie animale n’est pas toujours clairement marquée dans le monde des unicellulaires. La substance vivante y explore des modes intermédiaires de subsistance de sorte qu’il n’est pas toujours facile de classer certains organismes dans l’un ou l’autre des deux règnes. Mais à l’étage des multicellulaires, la démarcation se fait nette. L’on peut aisément identifier les autotrophes, c’est-à-dire les organismes qui tirent leur alimentation sur place directement du sol ou du milieu ambiant, et les hétérotrophes, ceux qui doivent se déplacer pour trouver leur nourriture.
Tout organisme, qu’il soit animal ou végétal, a besoin de se nourrir. Sa survie et son développement en dépendent. Il doit s’incorporer des nutriments tirés de la matière pour fournir à son organisme les éléments essentiels au maintien de sa structure et à sa croissance. Il est donc inévitable que la substance vivante ait doté les pluricellulaires de moyens d’assimilation destinés à satisfaire ce besoin. L’élaboration d’organes qui assument la fonction nourricière est en effet une incontournable condition non seulement de la survie de chaque organisme végétal et animal mais de l’appropriation générale de la matière par la substance vivante.
Or la manière dont le végétal et l’animal assument cette fonction nourricière est significative. Généralement parlant, les solutions divergentes inventées par la substance vivante à cet égard peuvent s’exprimer par les termes antinomiques de mobilité pour le règne animal et de stabilité pour le végétal.
— Que pouvons-nous induire de la structure d’alimentation de l’animal ?
— Chez l’animal, la nécessité de se déplacer pour s’alimenter réclame l’usage de moyens de locomotion adaptés au contexte particulier d’un habitat. Elle commande aussi le développement d’organes de communication avec le monde extérieur. Les sens, fussent-ils des plus primitifs, sont des fenêtres sur un environnement qui contient les éléments essentiels à la survie de l’organisme.
D’emblée, notons que l’apparence de l’animal, reflète l’axe horizontal d’adaptation à un contexte environnemental. Par sa forme visible, la structure animale ne rend que peu compte du fluide vital qui l’anime. Elle ne peut guère informer sur le mode d’être de la substance vivante en elle-même puisque l’aspect extérieur de l’animal est développé en fonction de la recherche et de l’absorption de la nourriture.
Vu de la plateforme d’observation de la vie animale, le mode de subsistance du végétal fait contraste. Le végétal tire les nutriments dont il a besoin pour se maintenir vivant et croître directement du terreau dans lequel il est enraciné. Or, ses racines sont invisibles extérieurement. Elles sont tant et si bien cachées dans le sol que le fait de les découvrir aurait pour résultat de tuer l’organisme en peu de temps. Conséquemment, la fonction nourricière du végétal a très peu d’influence sur sa forme visible.
D’autre part, le végétal est fixe. Il ne se déplace pas. Une conséquence de cette stabilité fait qu’il n’a pas besoin de communiquer avec le monde extérieur. Et puisque le développement de sens ne lui est pas utile pour son alimentation, sa forme extérieure, dégagée de ces contraintes, est d’autant plus disponible pour extérioriser le dynamisme vital qui l’anime. Et c’est pourquoi, dans le symbolisme végétal, l’on peut trouver des images qui collent à la réalité intrinsèque de la substance vivante.
— Que nous en dit l’arbre, par exemple ?
— L’arbre est tendu vers le Soleil comme la substance vivante vers la source primordiale d’énergie. Il proclame, par son être visible, la dimension de la verticalité. L’animal erre horizontalement et a le regard constamment tourné vers le sol pour y chercher sa nourriture. L’arbre, lui, s’élève entre ciel et terre en quête de lumière et de chaleur. Il donne ainsi un indice précieux sur le “sens” de la vie.
L’arbre nous dit encore que la croissance est une incontournable condition de la vie. L’arrêt de la croissance implique nécessairement que la vie n’y est plus, qu’elle a quitté l’enveloppe matérielle dont elle s’est habillée pour un certain temps. Un arbre qui cesse de croître est un arbre mort. La substance vivante commande donc de croître ou de mourir. Il n’y pas de compromis.
Considérons une plante. D’abord petite graine semée en terre, elle surgit timidement du sol. Puis elle grandit sans s’arrêter un instant, poussée par une énergie infatigable jusqu’à l’étape de son développement où elle pourra former un bouton, qui s’épanouira en une fleur dans laquelle mûrira graduellement un fruit contenant une graine. Et tout recommence !
La vie est de nature cyclique. Chaque vie individuelle comporte un cycle qui, dans le monde animal, va de la conception jusqu’à la mort. Depuis la manifestation initiale de la vie à l’origine du temps de la Terre jusqu’à nous et au-delà, la substance vivante est engagée aussi dans une croissance cyclique. Si tous les organismes pris collectivement manifestent une multiplicité de cycles vitaux, la substance vivante elle-même n’a qu’un cycle à boucler. Parce qu’elle est un fluide homogène, uniforme, et sans rupture et qu’elle chapeaute tous les vivants, elle accomplit une croissance unique dans sa modalité terrestre.
La substance vivante a commencé son cycle sur la Terre primitive et elle s’accroîtra jusqu’à l’accomplissement d’un fruit éventuel dont nous ne percevons pas encore, pour l’heure, ni l’apparence ni le goût. Elle est lancée sur une piste qui lui fera franchir toutes les étapes d’un unique développement. Elle est dans l’acte de s’épanouir.
Nous étudions actuellement la deuxième phase de ce cycle, soit le monde des multicellulaires. Ici, la substance vivante est comme un bouton destiné à ouvrir graduellement sa fleur — la troisième phase — dans tout l’éclat de sa beauté. La fleur à son tour produira son fruit à la quatrième phase, soit au quatrième étage de la Maison de la vie.
L’organisme végétal est si approprié pour exprimer la vie dans son essence que dans le langage courant de toutes les langues, on s’inspire d’images tirées de ce règne pour évoquer la vie humaine. Chaque personne est comme une plante qui passe par les étapes de la croissance. On dit de quelqu’un qu’il est dans la fleur de l’âge ou encore, qu’il donne du fruit. Les parents comparent leurs bambins à de jeunes pousses. Même les scientifiques, comme les paléontologues, reconstituent l’Arbre de la vie tandis que les anthropologues en explorent la branche humaine.
La Bible évoque le caractère transitoire de la vie humaine par l’image de l’herbe qui se consume rapidement au Soleil. Jésus la compare au lys des champs. Le psaume 128 célèbre la progéniture sous l’image « des plants d’olivier alentour de la table » et l’épouse, comme « une vigne fructueuse au fort de ta maison ».
— Ce sont-là de belles images poétiques. Mais faut-il les considérer au même titre que les vraies connaissances ?
— La vraie poésie réfère à l’autre dimension de la réalité, soit l’intériorité. La poésie a le pouvoir de nous toucher précisément parce qu’elle dévoile la face cachée du réel. Nous ne pouvons que ressentir intuitivement ce mystère. Mais la plupart du temps, il nous échappe parce que nous sommes de nature animale.
Nous sommes en effet conditionnés, par la pléthore des espèces qui précèdent notre lignée, à regarder à terre plutôt qu’à élever notre regard dans l’axe de la verticalité. Et si, par hasard, il nous arrive parfois de considérer les hauteurs dans l’axe de croissance du végétal, nous nous qualifions de poètes. Alors que nous sommes tout simplement plongés dans l’intériorité, cette dimension invisible du réel.
— La poésie permettrait de saisir quelque chose de la substance vivante ?
— À la condition que cette poésie soit authentique, bien entendu. Et le critère permettant de distinguer la vraie de la fausse, c’est précisément qu’elle jaillisse de l’intérieur. Ce principe s’applique également aux autres modes d’expression esthétique. La mauvaise poésie est comme une coquille vide. Elle peut adopter extérieurement une structure de rimes et de rythmes mais il n’y a rien dans cette forme. Elle ne rejoint pas la dimension intérieure où est mis en scène le jeu de la vie.
Tout à l’heure, j’ai fait ressortir l’élément distinctif de l’animal par rapport au végétal. J’ai comparé la structure animale à une mécanique faite pour absorber la matière, et donc, tout ordonnée dans sa forme extérieure à la fonction nourricière. Cette observation a toutefois besoin d’être nuancée. Car il existe aussi dans la structure animale des aspects qui extériorisent d’autres caractères du dynamisme vital. Je pense en particulier à la beauté de la forme physique de certaines espèces, aux chants des oiseaux, aux couleurs chatoyantes de certains animaux marins qui vivent dans l’obscurité quasi totale des grandes profondeurs où leur coloration ne peut guère avoir d’utilité. Ce sont-là des caractères, gratuits pour une bonne part, qui expriment, avec plus ou moins d’éloquence, l’alchimie du fluide vital.
— Il semble que les couleurs vives de certains oiseaux jouent un rôle important dans la reproduction sexuelle.
— C’est juste ! Mais l’on peut estimer que l’obligation de se reproduire n’explique pas tout. Comme si la nature en mettait parfois plus qu’il ne faut pour le strict besoin utilitaire. La queue du paon mâle, par exemple, pourrait être plus courte et moins colorée qu’il parviendrait quand même à attirer la femelle pour copuler, tout comme les autres espèces d’oiseaux qui ne jouissent pas d’attributs aussi spectaculaires.
Dans la forme extérieure de l’animal, l’on peut observer plus qu’une simple machine ordonnée à l’alimentation. Ce plus, qui constitue une élaboration gratuite, un affinement de l’apparence, nous le percevons lorsque nous apprécions la beauté d’une espèce particulière.
La beauté animale, tout comme les fleurs de la végétation, parle donc de l’éblouissante splendeur de la substance vivante. Je la qualifie d’éblouissante parce qu’elle est nécessairement la somme de toutes les beautés que nous pouvons observer dans la nature. Si vous faites abstraction de tout ce que la substance vivante a produit dans une scène pittoresque, il ne restera que la désolation d’un désert, la tristesse d’un paysage lunaire. Si la substance vivante a su produire les beautés particulières et générales que l’on peut observer dans la nature, c’est qu’elle comprend toutes ces beautés en elle-même, n’est-ce pas ?
— Pourquoi seulement la beauté ? Pourquoi la laideur ne l’exprimerait-elle pas tout autant ?
— Sans prétendre élaborer une théorie de l’esthétique — remarquez qu’elle pourrait nous être fort utile si ce n’était que son développement constituerait une trop longue digression par rapport au fil conducteur de notre quête — je dirai que la beauté est liée à l’affinement d’une structure, de quelque ordre qu’elle soit.
La beauté se manifeste lorsqu’une chose est figée dans un état apparent de permanence, d’achèvement, de perfection au milieu de structures mouvantes qui se transforment dans le temps sous la poussée des contingences. La beauté ne se trouve pas dans la recherche elle-même mais dans l’aboutissement, dans la saisie d’une forme idéale.
C’est pourquoi un grand nombre d’espèces éteintes peuvent nous apparaître inesthétiques, hideuses même parfois, par comparaison à celles d’aujourd’hui. C’est qu’elles ont vécu à une époque qui ne leur permettait pas encore d’accéder au degré d’affinement auquel les espèces actuelles sont parvenues. Tant que le sculpteur cisèle son œuvre — et à plus forte raison s’il n’en est qu’au début de son œuvre —, on ne peut s’attendre à vibrer d’émotions. Ce n’est que lorsqu’il a donné ses derniers coups de ciseau sur le marbre qu’on pourra pleinement apprécier sa création.
Il en est de même pour la substance vivante. Au départ de l’élan évolutif, nous nous trouvons devant l’artiste qui donne de grands coups de ciseau pour dégrossir son bloc de matière. L’absence d’esthétique manifeste la recherche prioritaire de formes adaptées à l’environnement.
La perception de la beauté nous fournit une indication de plus pour comprendre l’évolution. En rapport avec la montée ascendante de la substance vivante, tout se passe comme si le dynamisme vital, dans un premier temps, développait d’abord les outils d’adaptation à la matière dans l’axe d’horizontalité et, une fois ces derniers bien établis, récompensait l’adaptation réussie par un perfectionnement, un raffinement de la forme et, conséquemment, par une plus haute qualité de vie dans l’axe de la verticalité.
— L’élan premier de la substance vivante viserait d’abord l’utilité ? Ensuite viendrait la tension qualitative ?
— Il est inévitable qu’il en soit ainsi car un organisme doit disposer d’organes pour se maintenir vivant, sinon il ne survivra pas. Il peut vivre sans être beau mais il ne peut pas être beau s’il ne vit pas. C’est pourquoi la beauté et l’élégance d’un animal proviennent de ce que l’espèce à laquelle il appartient a atteint un haut degré d’achèvement, d’épanouissement, d’équilibre, de santé dans la foulée de son adaptation à une niche environnementale.
Quant aux formes inesthétiques, elles se manifestent premièrement au travers de la fluidité des espèces inachevées, encore à l’état d’ébauche. Secondairement, elles peuvent survenir aussi chez des espèces délaissées par la poussée centrale d’énergie de la substance vivante. Car le fluide vital, dans son parcours évolutif, se heurte à des culs-de-sac. Tant qu’il n’a pas atteint l’objet qu’il veut saisir, il est inévitable qu’il produise des formes transitoires et aboutisse maintes fois à des impasses. En sorte qu’il finit par abandonner les filons d’exploration qui s’avèrent improductifs, laissant ainsi à elles-mêmes les espèces non prometteuses ou dépassées.
Ce qui a pour conséquence qu’avant de disparaître, elles peuvent être entraînées par l’entropie de la matière sur une voie régressive où leurs formes peuvent encore changer mais en se déformant plutôt qu’en s’affinant. La perception de la laideur dans une forme animale peut parfois se ramener à une croissance démesurée d’un ou de plusieurs organes d’adaptation en lien avec la fonction nourricière. Pour créer un monstre, il suffit d’exagérer la grosseur et le nombre de dents d’un animal, de lui dessiner une mâchoire disproportionnée par rapport à l’ensemble du corps et de le doter d’un poids énorme qui a besoin d’être servi par une terrible férocité pour se maintenir. Et voilà, je viens de décrire un tyrannosaure.
— La laideur serait le signe d’un conditionnement exclusif par la matière ?
— Elle est soit l’apanage de formes transitoires d’adaptation, soit le lot de lignées en état de régression sur la courbe ascendante. Ces dernières deviennent monstrueuses parce qu’elles investissent toute leur énergie vitale dans la production d’organes exagérés d’adaptation à la matière terrestre au seul profit de la fonction nourricière, sans considération pour la qualité de vie.
À ce propos, je peux raconter, en guise d’illustration de ce phénomène, une anecdote amusante vécue personnellement[1].
La seule fois où je me suis laissé convaincre par des copains d’aller à la pêche, j’ai fini par sortir de l’eau, après une longue attente infructueuse — ô horreur ! — un crapaud de mer. On m’en fit des gorges chaudes !
Ce poisson est hérissé de barbes piquantes pour décourager les prédateurs. Je me suis demandé pourquoi il était clownesque, voire répugnant. En m’approchant, je me suis rendu compte que ce poisson était en fait très joli dans ses parties. Ses écailles étaient parcourues de délicates stries sinueuses de couleurs vives : des jaunes, des rouges, des bleus.
Son apparence hideuse tenait précisément de la surabondance des détails qui manifestaient une grossière exagération dans l’ornementation. J’en ai conclu que le crapaud de mer était laid parce que cette espèce avait détourné l’énergie vitale de la verticalité à des fins purement narcissiques. À trop vouloir se faire belle, l’espèce était devenue criarde comme une prostituée qui exagère son maquillage pour attirer les clients. Une stratégie de séduction qui ne faisait toutefois pas oublier les basses nourritures de l’alimentation des crapauds de mer — les déchets du fond marin — qui les rend impropres à la consommation.
— Votre anecdote me fait mieux comprendre maintenant le pouvoir de la poésie de donner accès à l’invisible.
— Pour en finir avec les apparences dans le règne animal, il n’y a pas que la beauté de la structure physique qui parle de la réalité intrinsèque de la substance vivante. Certains comportements la manifestent aussi. Le jeu, par exemple, est très significatif. Il est une activité gratuite qui exprime la joyeuse exubérance du dynamisme vital. Ce n’est pas un hasard s’il se rencontre surtout chez les jeunes spécimens. Chez les adultes, le dynamisme vital finit par se fatiguer. De sorte que l’animal mature ne dispose plus du débordement de vitalité requis pour investir de l’énergie dans le jeu.
— D’après des études de comportement, le jeu est essentiel au développement du jeune organisme. Si nous tenons compte de ce facteur, on ne peut donc pas affirmer qu’il est une activité purement gratuite.
— Il reste que cette activité ne vise pas l’alimentation de l’organisme. Bien au contraire, elle se manifeste surtout lorsque l’organisme est repu, lorsqu’il ne dépend plus ponctuellement de la nourriture nécessaire à sa survie. Pour la progéniture, le jeu est une école d’apprentissage du comportement qui donne accès au degré qualitatif de la vie adulte de son espèce. Il n’est donc pas ordonné à l’alimentation mais à l’acquisition d’un degré vital qualitatif.
Mais fermons cette parenthèse et scrutons encore plus avant les caractères spécifiques des deux règnes. Nous avons vu que le métabolisme cyclique du végétal, sa croissance incessante, sa quête de lumière, sa verticalité extériorisent le dynamisme de la substance vivante, tandis que la fonction nourricière — les racines — demeure invisible au regard de l’observateur. Nous avons aussi constaté que la structure extérieure de l’animal est principalement ordonnée à la fonction nourricière, de sorte que la manifestation de la substance vivante chez ce dernier se trouve à être dérobée au regard, à l’inverse du végétal. Le végétal et l’animal sont donc des structures en miroir d’un même et unique phénomène.
— En d’autres mots, ce que le végétal cache, c’est-à-dire la fonction nourricière, l’animal l’extériorise et ce que le végétal extériorise, soit le dynamisme vital, l’animal le cache ! Mais où le cache-t-il ?
— À l’intérieur de l’organisme. La substance vivante produit dans l’animal un espace virtuel que nous appelons “intériorité”. Le développement de l’intériorité est un fait d’une importance capitale de l’évolution animale. C’est dans cette dimension invisible que la substance vivante réalise son ascension. Elle transforme graduellement les structures vivantes de l’intérieur pour les rendre aptes à bénéficier d’une vie de plus en plus intense, donc de plus en plus élevée sur l’échelle qualitative. Je ne saurais trop dire toutes les conséquences qui découlent de ce fait. L’évolution prend ici une tangente en quelque sorte abstraite, impalpable. Une intangibilité qui fait contraste par rapport à la matérialité.
Chez les végétaux, plus les racines sont profondes et nombreuses, plus l’espèce peut s’appuyer sur cette infrastructure horizontale pour croître en hauteur dans l’axe de la verticalité. La taille est proportionnelle à l’envergure de l’enracinement.
Il en est de même mais à l’inverse pour les espèces animales. Plus elles développent des outils externes qui leur assurent la maîtrise d’un territoire dans l’axe horizontal de croissance, plus elles agrandissent leur espace vital intérieur, inscrivant ainsi leur développement dans l’axe qualitatif de la verticalité.
Conséquemment, cette acquisition d’intériorité n’est pas indépendante des conditions extérieures. Elle est reliée à un certain contrôle sur l’environnement en vue principalement de l’absorption d’éléments nutritionnels. Si donc nous pouvons apercevoir dans l’axe horizontal de l’animal une performance de plus en plus efficace, nous pouvons en induire une augmentation de l’intériorité dans l’axe vertical de croissance.
— L’évolution animale serait tributaire de l’adaptation à un espace physique de plus en plus vaste et diversifié ?
— Ce n’est évidemment pas le seul facteur qui entre en ligne de compte. Mais il peut être utile d’observer, sous toute réserve que tout n’est pas dit, qu’il existe un lien entre les outils de communication de l’animal avec le monde extérieur et son degré intérieur d’évolution. Entre une limace et un ours, la différence dans le degré d’évolution peut se mesurer entre autres sous l’angle de l’étendue du territoire que chaque animal perçoit et domine.
Il faut comprendre que la substance vivante ne se contente pas de simplement pousser les organismes à s’adapter à une niche environnementale. Elle agit encore au travers des espèces comme une force qui prend d’assaut la matière pour vaincre l’entropie. Cette impulsion se traduit dans le règne animal par le besoin de dominer un territoire de plus en plus vaste de l’environnement afin d’inscrire le développement intérieur à un degré de plus en plus élevé.
— Mais comment se constitue cette intériorité ?
— Le mot clef pour décrire l’intériorité animale, c’est la conscience de l’environnement. Le degré de conscience est proportionnel à l’efficacité du contact sensoriel que l’animal peut établir avec son entourage. L’animal possède des fenêtres, soit les sens, qui ouvrent son organisme sur le monde extérieur. Le monde dont l’animal prend conscience correspond à l’image que lui renvoient ses perceptions sensorielles. Même si la réalité extérieure demeure objectivement la même, chaque espèce vit dans son propre monde, celui que ses organes sensoriels lui renvoient. Meilleur est le contact, plus intense est la conscience et, conséquemment, plus élevé est le degré qualitatif de l’espèce à laquelle l’organisme appartient.
— Certaines espèces animales possèdent des sens plus aigus que ceux de l’homme. Sont-elles pour autant plus évoluées ?
— Ce n’est pas l’un ou l’autre sens isolé qui est un critère d’évolution mais le contact que procure l’ensemble des organes de communication avec l’extérieur, incluant la forme du corps.
La perception sensible dépasse considérablement les cinq sens classiques. Elle est tributaire du type de structure de l’organisme, de sa forme, de sa spécificité, de ses organes internes et externes. Les poissons, les oiseaux, les insectes, les mammifères ne jouissent pas d’un même degré de perception. L’animal couvert de plumes n’a pas le même contact avec l’environnement que celui bardé de carapace ou hérissé de poils. Le lombric qui rampe sur son ventre ne vit pas dans le même monde que le félin en chasse d’une proie.
C’est par tout son corps que l’animal ressent son environnement. C’est conséquemment par tout son corps qu’il expérimente le degré de conscience que son ouverture sur l’extérieur autorise. Dans le règne animal, il existe une inégalité du développement des sens. Une espèce aveugle pourra développer une ouïe aiguë tandis qu’une autre dotée d’un œil vif captera difficilement les sons. Si le chien possède une ouïe plus fine que celle de l’homme, il ne peut pas, en revanche, se tenir debout et ne dispose pas de mains pour manipuler les choses. L’aigle a beau avoir une vue perçante, il demeure limité par l’usage exclusif de ses membres antérieurs pour le vol.
— Ce ne serait donc pas tant les sens en eux-mêmes qui déterminent le degré d’évolution mais la conscience de l’environnement qu’ils permettent ?
— Effectivement ! La substance vivante s’intériorise graduellement durant la montée des hétérotrophes et cette intériorisation produit de plus en plus de conscience ! L’intériorité dont il est question n’a donc rien à voir avec les viscères ou les organes internes de l’organisme. Elle ressort du fluide vital. Le périple ascendant de la conscience animale s’effectue dans l’invisible, dans le non-dimensionnel, même s’il finit par se répercuter dans le visible, tant sur la structure que sur le comportement de l’organisme. Le comportement ! Voilà un autre paramètre fondamental de l’évolution animale. La conscience génère l’activité de l’organisme que nous appelons le comportement.
— Si la conscience fait agir et se mouvoir l’organisme, qu’est-ce qui fait qu’il posera tel acte particulier plutôt qu’un autre ?
— Deux facteurs entrent ici en ligne de compte. Et c’est le rapport entre ces deux déterminismes, qui peut fournir un critère pour l’évaluation du degré d’évolution animale.
Le premier déterminisme fait que l’animal se comporte infailliblement selon les paramètres qu’impose son appartenance à une espèce, dont les caractères sont génétiquement codifiés. Un cheval agit toujours comme un cheval parce qu’il y est contraint par toutes les fibres de son organisme. Dès sa naissance, il sait trouver les tétines de sa mère. Après le sevrage, les gènes des cellules de son corps le poussent à se nourrir d’herbe plutôt que de viande. Devenu adulte, il n’a nul besoin d’apprentissage pour copuler afin de se reproduire.
Ce sont là des comportements instinctifs. Les racines de l’instinct plongent non seulement dans l’héritage génétique de l’espèce mais remontent, en passant par toutes les phases d’évolution d’une lignée, jusqu’à l’origine de la vie sur notre planète. L’instinct animal traduit en actes les adaptations mises au point par la substance vivante dans le parcours d’un embranchement particulier. On peut le voir comme la mémoire du périple vital, comme une accumulation de données positives recueillies au cours de la croissance d’une branche de l’Arbre de la vie. Le dynamisme intérieur de l’instinct pousse l’organisme à des actes qui prolongent au présent les réussites du passé. L’instinct dicte infailliblement les comportements que l’espèce autorise parce qu’ils renforcent les mailles de la chaîne de la vie.
L’autre déterminisme du comportement animal, c’est la conscience. Et ici, cette fois, se joue le devenir de la substance vivante plutôt que ses antécédents. La conscience apparaît nécessairement en rapport avec l’environnement, n’est-ce pas ? Être conscient, c’est être éveillé aux réalités environnantes. C’est de la confrontation de l’organisme avec l’extérieur que se manifeste la deuxième cause du comportement des hétérotrophes. Ce déterminisme veut que l’organisme doive réagir aux conditions changeantes rencontrées dans son aire vitale.
L’instinct ne règle pas tous les actes. Premièrement, parce que tous les comportements possibles d’une espèce particulière ne sont pas nécessairement inscrits dans le code génétique. Certains comportements doivent être acquis par apprentissage. Face à des conditions particulières, la progéniture apprend graduellement à se comporter comme ses géniteurs et à acquérir des habitudes qui caractérisent l’espèce.
D’autre part, tous les comportements ne peuvent pas être génétiquement conditionnés. L’animal évolue dans un milieu mouvant auquel il doit réagir de sa propre initiative. Si l’instinct lui commande de se nourrir de viande, il ne lui impose pas nécessairement et toujours telle espèce particulière de proie ni, dans tous les cas, la méthode à appliquer pour la capturer.
Autre exemple : face à un prédateur d’une espèce inconnue, l’animal ne pourra pas toujours réagir instinctivement. Tentera-t-il de fuir en tournant à gauche ou à droite ? S’il y a un rocher à gauche et que son habitat est situé dans des lieux escarpés, certainement, son instinct le poussera à virer en direction de la montagne. Mais s’il est dans la plaine et qu’il n’a pas l’habitude de se réfugier dans un terrier, il pourra choisir de tourner à droite, ne sachant pas qu’un autre prédateur l’attend dans cette direction cependant qu’aurait pu s’ouvrir à gauche le chemin de la liberté.
L’animal peut ainsi faire des choix, à son détriment ou à son avantage, selon le cas. Il dispose d’un espace plus ou moins grand où il peut exercer une certaine liberté d’action. On peut trouver une confirmation par la négative de cette possibilité du fait que certaines espèces ont absolument besoin de liberté pour s’épanouir. Elles ne peuvent supporter la captivité.
Donc, lorsque l’instinct ne joue pas, lorsque les habitudes ne peuvent pas influencer le comportement, l’animal doit exercer sa liberté pour s’ajuster à un événement inattendu ou à des conditions nouvelles. S’il y parvient en répondant adéquatement à la sollicitation et si la même situation devient répétitive, il pourra graduellement acquérir l’habitude de la bonne réaction. Et si cette habitude est transmise par un grand nombre de générations pendant une durée suffisamment longue, elle finira par s’inscrire dans le code génétique. Tant et si bien que, des milliers d’années plus tard, une nouvelle espèce aura vu le jour.
En conséquence, plus l’organisme est ouvert sur l’extérieur grâce aux sens (entendus dans leur acception large), plus la conscience embrasse d’étendue et de niveaux de réalités environnementales. Parallèlement, plus grande est la marge de manœuvre laissée à la liberté du comportement, et plus l’organisme est sensible à la poussée évolutive.
À l’opposé, l’organisme dont les actes seraient conditionnés, disons à 80 % par l’instinct, est considérablement moins évolué que celui dont le comportement serait tributaire à 80 % des informations que lui communiquent ses sens sur l’environnement. Il est donc possible de déterminer le degré d’évolution des diverses espèces en se basant sur le rapport entre le comportement déterminé par l’instinct et celui attribuable à la conscience. Plus la conscience est aiguisée, plus l’espace de liberté est grand, plus l’organisme est évolué et plus il est ouvert à d’éventuelles transformations en vue de son adaptation aux conditions extérieures changeantes.
Le graphique ci-dessous, intitulé Structure de la conscience animale, représente deux organismes de niveaux évolutifs différents.
Pour bien saisir le rapport entre la conscience et le degré d’évolution, on peut comparer des extrêmes : disons un lombric à gauche et un chimpanzé à droite. Il saute aux yeux que le spécimen de la deuxième espèce est le plus conscient de son environnement. Il est donc plus évolué et plus libre dans son comportement. Les deux animaux sont ancrés comme des plantes dans le même terreau de la substance vivante (A) par des racines génétiques (B). Des racines porteuses des réussites accomplies sur le parcours évolutif de la lignée dont est issu l’organisme, réussites qui génèrent le comportement instinctuel (E).
Par ailleurs, les organismes hétérotrophes, comme les appelle la biologie, sont nécessairement ouverts sur l’environnement (G) où ils doivent se déplacer pour trouver nourriture et gîte. Inévitablement, ils y rencontrent une variété de circonstances et événements auxquels ils doivent réagir par des actions qui ne sont pas toujours conditionnées par les gènes.
C’est la conscience (F) alors qui entre en jeu et produit le comportement. L’on peut alors saisir un rapport inversement proportionnel entre les comportements déterminés par l’instinct et ceux générés par la conscience. Plus l’ouverture sur l’extérieur balaie un large spectre de réalités environnementales, plus la conscience est vive et moins l’instinct entre en ligne de compte. Conséquemment, plus l’animal est évolué.
Ce constat permet de comprendre le rôle de plus en plus important que joue la conscience dans l’adaptation des organismes à l’environnement. À ce propos, on se doit de noter une accélération remarquable de l’évolution dans le règne animal qui va de pair avec l’accroissement de la conscience. Vue d’une perspective générale, la courbe ascendante chez les pluricellulaires, plutôt lente au départ, s’élève de plus en plus vite dans l’axe de la verticalité (voir le graphique, intitulé Courbe V, publié dans le 10e entretien Les deux courbes). La montée de la conscience animale coïncide avec cette accélération qualitative. Ce qui ne laisse pas d’être significatif, n’est-ce pas ?
— Pourquoi l’évolution aurait-elle emprunté la route de la conscience et privilégié ainsi le règne animal ? N’aurait-elle pas pu trouver une autre voie de progrès ? Qu’est-ce qui nous dit qu’un chemin différent d’évolution, que nous ne sommes pas en mesure d’observer, n’existe pas dans le règne végétal ?
— Nous avons déjà convenu que le végétal manifeste l’axe vertical du dynamisme vital. Nous avons également induit que la croissance du végétal révèle la continuité d’une substance insécable et toujours en acte au présent. L’on peut alors comprendre que la substance vivante, pour exprimer pleinement son dynamisme dans le règne végétal, devrait susciter un organisme en croissance physique perpétuelle. Ce qui aurait pour conséquence qu’elle s’engagerait dans une voie sans issue en poussant les organismes à une croissance évolutive qui n’auraient aucune chance d’aboutir à l’expression permanente d’elle-même. En d’autres mots, il n’y aurait, dans cette direction, aucune solution possible à la vie.
Car l’augmentation incessante de la taille d’un végétal dans l’axe de la verticalité est une impossibilité pratique. Certes, il existe des arbres gigantesques qui ont une longévité millénaire. Mais éventuellement, le poids énorme de matière qu’ils soulèvent l’emporte sur la force vitale. Ils cessent alors de croître, ce qui est un signe qu’ils sont morts même s’ils tiennent encore debout pour un certain temps.
La substance vivante ne pourrait donc pas s’engager jusqu’au bout sur un chemin d’évolution végétale sans en même temps aboutir à un gigantisme impensable. Un seul organisme devrait éventuellement occuper la planète entière, ne permettant à rien d’autre d’exister. Et même, il devrait déborder dans l’espace pour atteindre les galaxies puisque l’essor de la substance vivante vise une domination sur toute la matière par la neutralisation de son entropie. Ce qui impliquerait, dans le concret de la croissance végétale, l’envahissement du cosmos entier.
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[1] Cette anecdote est racontée sous la forme d’une parabole intitulée Une partie de pêche dans mon livre Le chemin des étoiles (disponible en ligne à www.ac3m.org
2 réponses à “15- Les deux règnes”
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J’ai écrit quelque part que l’être humain est animal à l’extérieur et végétal à l’intérieur. Cet aphorisme aurait pu trouver place en guise d’anticipation d’éventuels développements de la démarche amorcée ici. Car le présent entretien pose les assises de l’argumentaire permettant d’identifier les paramètres de l’évolution à venir. L’on peut logiquement en induire que la croissance qualitative de la substance vivante ne s’effectue pas tant du côté “animal” d’adaptation horizontale à la matérialité (bien qu’elle y contribue secondairement) ; clairement, le courant central de l’évolution s’enclenche prioritairement (en l’humanité) dans l’espace virtuel (spirituel) de la verticalité “végétale”.
Cette déduction ressort de l’identification de la conscience comme chemin d’évolution. Il y a là, que je sache, un parcours de la substance vivante que l’enquête scientifique réduite à la matérialité n’a jamais explorée. Ce constat fait ressortir l’originalité et la nouveauté de l’approche de l’évolution que propose cet article. -
COMMENTAIRE 1
Même si je n’ai pas terminé la lecture de cet entretien, je partage déjà un premier commentaire.
À la page 183, mon beau-frère Gervais a laissé le commentaire suivant : « Intéressant et séduisant. Mais ça ne s’appuie sur rien d’observable. Ça stimule la réflexion ».
Il est vrai que les propos de notre ami Paul stimulent la réflexion. Et ils apportent un vent de fraîcheur par rapport à la théorie synthétique de l’évolution qui répète invariablement une seule chose : « mutations génétiques ». Comme si la génétique était le tout de la vie et comme si nous n’étions rien d’autre que des mutants réussis. Le moine G. Mendel, initiateur des lois de la génétique, doit se retourner dans sa tombe !
Quelques éléments de fraicheur.
La vie végétale comme analogie de la vie. Notre auteur propose de prendre la vie végétale comme analogie pour comprendre le phénomène de la vie dans son ensemble. Ce sera une de ses grandes thèses. Les multiples exemples qu’il donne à partir du langage courant sont éloquents et convaincants. De fait, comme la vie végétale est plus « primaire » si l’on peut dire, il devient plus simple de la prendre comme modèle de base du phénomène de la vie. Il y a là tout un champ de réflexion qui alimentera certainement pour plusieurs années les « groupes d’étude Paul Bouchard ». Une petite tape sur l’épaule pour toi mon ami !Les deux règnes. Notre ami distingue les deux règnes par rapport à la nutrition. Et il signale, d’entrée de jeu, « que la distinction entre la vie végétale et la vie animale n’est pas toujours clairement marquée dans le monde des unicellulaires » (p. 179). Blandine Pluchet dans son livre « le Big Bang pour les nuls », propose de distinguer les unicellulaires par rapport à la respiration. Certains inspirent l’Oxygène et rejettent le dioxyde de Carbone alors que d’autres inspirent le dioxyde de Carbone et rejettent l’Oxygène. Ainsi, la respiration des unicellulaire et la nutrition des pluricellulaire nous orientent tous vers ce mutualisme si merveilleux qui s’exprimera de mille manières dans les écosystèmes qui forment notre biosphère et que nous contemplons tous les jours avec admiration.
Enfin, notre auteur introduit, à la page 180, le concept des « sens ». Ils le présentent comme « des fenêtres sur un environnement qui contient les éléments essentiels à la survie de l’organisme ». En fait, cette réalité des « sens » méritera d’être approfondit. Tout spécialement au 3e étage de la vie où ils deviendront « des fenêtres » qui feront le lien entre l’intériorité et l’extériorité de « la conscience réfléchie » des êtres humains. Ce sera un thème merveilleux où tout l’espace et le temps commenceront à être réunis dans un présent destiné à l’éternité.
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