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3- L’Église et l’évolution

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Christian : Comment le principe d’interprétation de l’Écriture peut-il s’appliquer à la question des origines ? Que dit l’Église à ce sujet ?

– L’Église tire principalement du premier chapitre de la Genèse la foi en un Dieu unique, créateur de l’univers. Du deuxième récit, elle induit le dogme de la chute originelle. Les définitions officielles de la foi s’en tien­nent aux concepts théologiques et n’entrent pas sur le terrain réservé aux sciences positives. L’Église n’impose aucune opinion sur les modalités de la manifestation des réalités objectives. Si bien qu’est laissé à la liberté de chacun un espace considérable à l’interprétation personnelle… et aux hypo­thèses scientifiques.

Il faut reconnaître qu’il n’en a pas toujours été ainsi. Avant l’époque moderne, les hommes d’Église n’ont pas toujours su identifier la ligne de démarcation entre les vérités dogmatiques et les préjugés culturels qui peu­vent y être liés. Une confusion qui a parfois généré des erreurs très graves. De sorte que, poussés par un zèle mal inspiré, des ecclésiastiques ont pu soutenir avec opiniâtreté des opinions qui, loin d’être définies comme des dogmes, ne relevaient pas du tout de leur compétence. Un dogmatisme qui était en fait le miroir de leur ignorance et de leurs idées préconçues.

Les condamnations de Copernic et de Galilée demeurent des stigmates exemplaires sur le parcours historique de l’Église. Les théories du chanoi­ne Nicolas Copernic (1473-1543), un astronome polonais, ont été condam­nées en 1616, plusieurs décennies après sa mort, par le pape Paul V comme étant contraires aux Écritures. Le savant prêtre soutenait dans son ouvrage De revolutionibus que la Terre tourne autour du Soleil et non l’inverse.

En dépit de cette condamnation, Galilée (1564-1642) reprenait à son compte la cosmogonie héliocentrique copernicienne. Les prélats de l’In­quisition qui se sont opposés à ses thèses et l’ont obligé à les abjurer en 1633 sous la menace d’être condamné au bûcher, ont prétendu démontrer à leur tour qu’elles contredisaient les Écritures.

Première erreur : ils appuyaient leur argumentation sur le postulat que les Écritures informent sur les réalités objectives de l’univers. L’on sait aujourd’hui qu’elles visent l’édification spirituelle de l’humanité et non à fournir de l’information scientifique sur la nature. Une chose remarquable à souligner à cet égard. L’on chercherait en vain un passage de l’Écriture qui aurait pu être utilisé pour contredire clairement les thèses de Galilée et de son savant prédécesseur.

Certes, plusieurs versets poétiques, tirés des psaumes entre autres, évo­quent la course du Soleil, de son lever à son coucher. Ce sont là toutefois des expressions populaires basées sur l’apparence qui n’imposent absolu­ment pas une cosmogonie particulière. On utilise encore aujourd’hui ces images, même si tout le monde sait que c’est la Terre qui tourne et non le Soleil qui se déplace.

Deuxième erreur : les préjugés de l’Inquisition n’étaient pas fondés sur la Bible mais bien sur des éléments de culture scientifique qui remontaient à l’Antiquité grecque. Les conceptions du temps s’appuyaient sur la cos­mogonie de Claude Ptolémée. À peine un siècle après la naissance du Christ, ce savant païen avait élaboré une théorie ingénieuse qu’il démontrait par de savants calculs. Elle visait à rendre compte du parcours irrégulier des planètes par rapport au mouvement général de la voûte céleste. L’astro­nome expliquait cette irrégularité par l’existence d’un nombre de “ciels” translucides qui gravitaient indépendamment autour de notre planète.

La cosmogonie de Ptolémée était géocentrique. C’est-à-dire qu’elle postulait que notre planète était établie immobile au centre de l’univers et que tous les astres gravitaient autour d’elle. Depuis la révolution scien­tifique enclenchée par les découvertes de Copernic et Galilée, l’on sait que l’irrégularité du mouvement des planètes s’explique par leur rotation indé­pendante autour du Soleil.

La Bible, quant à elle, présente une tout autre vision du cosmos. L’auteur du psaume 24, par exemple, conçoit une Terre ancrée dans les eaux de l’océan.

Au Seigneur, la terre et ses richesses, le monde et ses habitants! C’est lui qui l’a fondée sur les mers, et la tient stable sur les flots (Ps 24, 1-2)

Le psalmiste rejoint l’auteur du premier récit de la création pour qui le continent émerge des eaux inférieures le troisième jour. Les conceptions ingénues de la culture au temps de la composition de la Bible transpirent particulièrement du psaume 104.

La voûte des cieux était comparée à une tente dont les trous minuscules laissent filtrer la lumière des étoiles. L’on croyait alors que la Terre avait la forme d’un disque limité par les mers et reposait stablement sur quatre piliers. « Au Seigneur, les colonnes de la terre : sur elles il a posé le mon­de » (1 S 2, 8).

Tu déploies les cieux comme une tente…
Tu poses la terre sur ses bases,
inébranlable pour les siècles des siècles.
De l’abîme tu la couvres comme d’un vêtement (Ps 104, 2.5.6).

À l’époque de Copernic et de Galilée, cette cosmogonie biblique était largement dépassée. Les pré0lats de l’Inquisition n’en tenaient pas compte car ils intégraient à leur culture les éléments les plus avancés de la science et de la philosophie gréco-romaines. Leurs conceptions venaient donc de loin, on le constate, et d’une source pas du tout religieuse. Elles étaient tributaires des avancées de la science antique.

La théorie de Galilée était perçue par les évêques et les cardinaux de l’Inquisition comme une menace pour la foi parce qu’elle jetait par terre, à ce qu’il leur semblait, la conception d’une création en vue de l’homme (anthropocentrisme) sur une planète sise au centre de l’univers. Plusieurs siècles plus tard, soit dans les dernières années du 20e siècle (1992), l’Église a reconnu son erreur et a réhabilité Galilée. Je pense qu’elle a tiré sa leçon de cette faute historique. Elle ne tient pas du tout à reproduire la même erreur, même si la tentation a été forte à quelques reprises depuis lors. Entre autres, à propos de la théorie de l’évolution biologique.

Les pressions sur la hiérarchie pour condamner Darwin n’ont pas man­qué, en effet, depuis la publication en 1859 de Sur l’origine des espèces. D’autant plus que Darwin se voulait agnostique, contrairement à Copernic, qui était prêtre, et à Galilée, qui était un fervent chrétien. Mais l’Église moderne a su triompher de la tentation. Déjà en 1950, Pie XII recommande une attitude d’ouverture à l’égard de la théorie scientifique tout en mettant en garde contre les interprétations philosophiques marquées par certains présupposés matérialistes.

L’Église n’interdit pas que la doctrine de l’évolution, dans la mesure où elle recherche l’origine du corps humain à partir d’une matière déjà exis­tante et vivante – car la foi catholique nous ordonne de maintenir la création immédiate des âmes par Dieu – soit l’objet, dans l’état actuel des sciences et de la théologie, d’enquêtes et de débats entre les savants de l’un et de l’autre partis : il faut pourtant que les raisons de chaque opinion, celle des partisans comme celle des adversaires, soient pesées et jugées avec le sérieux, la modération et la retenue qui s’imposent ; à cette con­dition que tous soient prêts à se soumettre au jugement de l’Église à qui le mandat a été confié par le Christ d’interpréter avec autorité les Saintes Écritures et de protéger les dogmes de la foi (Pie XII, Humani Generis, 12 août 1950).

Le Catéchisme de l’Église catholique, dans cet esprit d’ouverture, fait l’éloge des recherches scientifiques et des nouvelles perspectives qu’elles ouvrent pour la démarche de la foi.

La question des origines du monde et de l’homme fait l’objet de nom­breuses recherches scientifiques qui ont magnifiquement enrichi nos con­naissances sur l’âge et les dimensions du cosmos, le devenir des formes vivantes, l’apparition de l’homme. Ces découvertes nous invitent à admi­rer d’autant plus la grandeur du Créateur, à Lui rendre grâce pour toutes ses œuvres et pour l’intelligence et la sagesse qu’Il donne aux savants et aux chercheurs. Avec Salomon, ceux-ci peuvent dire : « C’est Lui qui m’a donné la science vraie de ce qui est, qui m’a fait connaître la structure du monde et les propriétés des éléments (…) car c’est l’ouvrière de toutes choses qui m’a instruit, la Sagesse » (CÉC no 283).

Plus loin, le Catéchisme enseigne que la création n’est pas parvenue à son terme et qu’elle évolue vers une perfection qui n’est pas encore atteinte. Les créatures sont mêmes appelées à collaborer à l’accomplissement éven­tuel d’une création qui chemine vers le dessein ultime du Créateur.

La création a sa bonté et sa perfection propres, mais elle n’est pas sortie tout achevée des mains du Créateur. Elle est créée dans un état de chemi­nement vers une perfection ultime encore à atteindre, à laquelle Dieu l’a destinée (CÉC no 302).
Dieu est le Maître souverain de son dessein. Mais pour sa réalisation, il se sert aussi du concours des créatures. Ceci n’est pas un signe de fai­blesse, mais de la grandeur et de la bonté du Dieu Tout-puissant. Car Dieu ne donne pas seulement à ses créatures d’exister, il leur donne aussi la dignité d’agir d’elles-mêmes, d’êtres causes et principes les unes des autres et de coopérer ainsi à l’accomplissement de son dessein (306).

Plus directement au sujet de la théorie de l’évolution, Jean-Paul II, dans un discours adressé à l’Académie pontificale des sciences, a rappelé la position de Pie XII à l’effet qu’il n’y a « pas opposition entre l’évolution et la doctrine de la foi sur l’homme et sur sa vocation ». À propos de l’interprétation de la Bible, il met en garde contre une lecture fondamen­taliste et littérale.

Pour ma part, en recevant le 31 octobre 1992 les participants à l’Assem­blée plénière de votre Académie, j’ai eu l’occasion, à propos de Galilée, d’attirer l’attention sur la nécessité, pour l’interprétation correcte de la parole inspirée, d’une herméneutique rigoureuse. Il convient de bien déli­miter le sens propre de l’Écriture en écartant des interprétations indues qui lui font dire ce qu’il n’est pas dans son intention de dire (Jean-Paul II, Discours à l’Académie pontificale des sciences, 1996).

Tout de suite après avoir exprimé cette réserve, il reconnaît le bien-fondé de l’évolutionnisme.

Aujourd’hui, près d’un demi-siècle après la parution de l’encyclique Hu­mani Generis, de nouvelles connaissances conduisent à reconnaître dans la théorie de l’évolution plus qu’une hypothèse. Il est en effet remarqua­ble que cette théorie se soit progressivement imposée à l’esprit des cher­cheurs, à la suite d’une série de découvertes faites dans diverses discipli­nes du savoir. La convergence, nullement cherchée ou provoquée, des résultats de travaux menés indépendamment les uns des autres constitue par elle-même un argument significatif en faveur de cette théorie (idem).

L’expression « plus qu’une hypothèse » implique que l’évolution n’est pas une simple théorie que l’on peut rejeter du revers de la main mais qu’elle est un fait suffisamment démontré. Il n’y a donc pas lieu de l’ap­prouver ou de la désapprouver, il n’y a qu’à la reconnaître comme une connaissance objective tirée de l’observation scientifique de la réalité. Jean-Paul II fait judicieusement remarquer, cependant, que dans toute théorie prenant appui sur les faits objectifs, il y a une part d’interprétation qui relève de présupposés philosophiques.

L’élaboration d’une théorie comme celle de l’évolution, tout en obéissant à l’exigence d’homogénéité avec les données de l’observation, emprunte certaines notions à la philosophie de la nature. Et, à vrai dire, plus que de la théorie de l’évolution, il convient de parler des théories de l’évolution. Cette pluralité tient, d’une part à la diversité des explications qui ont été proposées du mécanisme de l’évolution et, d’autre part, aux diverses phi­losophies auxquelles on se réfère. Il existe ainsi des lectures matérialistes et réductionnistes et des lectures spiritualistes. Le jugement ici est de la compétence propre de la philosophie et, au-delà, de la théologie (idem).

Les données scientifiques, pour être signifiantes, doivent être interpré­tées. Nécessairement ! Et à cet égard, les interprétations que l’on peut don­ner du fait de l’évolution sont aussi diverses que les options philosophi­ques, conscientes ou inconscientes, auxquelles les personnes peuvent ad­hérer. Jean-Paul II précise qu’il appartient à la philosophie et à la théologie de juger de la valeur d’une interprétation. C’est dans ce contexte qu’il émet une mise en garde.

Les théories de l’évolution qui, en fonction des philosophies qui les inspi­rent, considèrent l’esprit comme émergeant des forces de la matière vivante ou comme un simple épiphénomène de cette matière sont incom­patibles avec la vérité de l’homme. Elles sont d’ailleurs incapables de fonder la dignité de la personne (idem).

Il est bien clair que ce n’est pas l’hypothèse de l’évolution en elle-même qui est ici remise en cause mais bien l’interprétation qui en est faite par les philosophies matérialistes. Mais puisque Jean-Paul II précise plus haut : « il existe des lectures matérialistes et réductionnistes et des lectures spiritualistes », il est également évident que la lecture spiritualiste de l’évolution est tout à fait admissible pour l’Église. Bien plus, lorsqu’il affirme que l’évolution est « plus qu’une hypothèse », il suggère que cette donnée relativement nouvelle dans l’histoire de l’humanité ne manque pas d’avoir une profonde influence sur la culture ainsi que d’importantes réper­cussions philosophiques et doctrinales – tout compte fait bénéfiques, éclai­rantes même – pour l’articulation intellectuelle de la foi chrétienne.

– Qu’entendez-vous par ces répercussions philosophiques et doctri­nales ? Jean-Paul II aurait-il préparé le terrain pour une remise en cause éventuelle de certaines définitions de la foi ?

– Aucunement ! Ce ne sont pas les dogmes qui risquent d’être affectés mais la représentation culturelle que nous en avons. Les images que le croyant forme inévitablement dans son imagination pour se représenter les mystères chrétiens devront passer par une véritable révolution. Elles devront être purgées de la vision statique de l’univers issue de conceptions philo­sophiques d’un autre âge. Et elles devront s’adapter au nouveau terreau culturel induit du concept d’un univers qui n’a pas été fait à l’origine du temps mais qui se fait actuellement, d’un univers en évolution.

Ce travail de réinterprétation est déjà amorcé en hauts lieux dans l’Église. Le 23 juillet 2004, le pape Benoît XVI, alors qu’il était cardinal et préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, approuvait la publi­cation d’un document émis par la Commission théologique internationale du Vatican. Le texte intitulé Communion et service reconnaît explicitement que la théorie de l’évolution est fermement fondée sur des faits scienti­fiques indéniables. Il prend à son compte le scénario, largement accepté dans les milieux scientifiques, selon lequel « l’univers a fait irruption, il y a 15 milliards d’années, en une explosion appelée le “big bang” ».

La Commission note également qu’il « a été démontré que tous les organismes vivants sur la terre sont génétiquement apparentés et qu’il est virtuellement certain que tous les organismes vivants descendent du pre­mier organisme (no 63). De plus, soutient le document théologique, « des évidences de plusieurs études dans les sciences physiques et biologiques confirment une certaine théorie de l’évolution pour rendre compte du déve­loppement et de la diversité de la vie sur la terre » (idem).

Quant à l’origine de l’homme, les théologiens estiment la question com­plexe et sujette constamment à révision à partir des avancées de la recher­che scientifique. Actuellement, soutiennent-ils, les découvertes combinées de l’anthropologie et de la biologie moléculaire inclinent fortement pour une « origine de l’espèce humaine en Afrique, il y a environ 150 000 ans d’une population humanoïde de lignage génétique commun » (idem).

On se doit toutefois d’expliquer, poursuit la Commission théologique, que le développement du cerveau humain a altéré de manière permanente la nature et le rythme de l’évolution. Avec l’introduction de facteurs spé­cifiques à l’humanité comme « la conscience, l’intentionnalité, la liberté et la créativité, l’évolution a été refondue en une évolution sociale et cultu­relle » (idem).

Bien qu’une interprétation sociale de l’évolution humaine ne me sem­ble pas une explication exhaustive ni même suffisante, j’estime que ce dernier point a le mérite de faire ressortir l’importance du terreau culturel dans lequel s’enracinent nos convictions religieuses. L’inculturation de la foi est une incontournable exigence de l’Évangile que l’Église a pour mis­sion de proclamer au monde.

Pour illustrer cette nécessaire adaptation, revenons au cas des cardi­naux qui ont condamné Galilée. Rappelons qu’ils considéraient sa théorie comme une menace à la foi. À leurs yeux, elle remettait en question une vérité qui demeure très présente dans la tradition théologique. À savoir que le Créateur avait l’homme en vue dès l’origine de la création. Or, les pré­lats concernés assimilaient le statut de l’humanité dans l’univers à la place qu’occupe la Terre dans le cosmos. Une confusion qui leur a fait croire que Galilée, avec ses nouvelles théories, démolissait une vérité qu’ils croyaient inséparable de leur conception du cosmos.

Et de fait, l’humanité n’a plus été la même du moment qu’elle a recon­nu la quasi insignifiance de notre planète, perdue comme un grain de sable dans l’inimaginable immensité cosmique. Toutefois, la vérité que le sys­tème de Galilée a semblé occulter en son temps, la théorie de l’évolution peut fort bien la rendre à la culture d’aujourd’hui. Car la place de l’hu­manité dans un univers qui évolue est, de toute évidence, au sommet des réalités biologiques connues objectivement. Le fait que l’évolution abou­tisse à la conscience morale de l’homme et à la liberté peut indiquer une intention divine, comme nous serons amenés à le considérer plus loin dans notre recherche.

Nous n’avons donc rien à perdre et tout à gagner de l’aggiornamento (mise à jour) de notre pensée religieuse. Rien à craindre non plus des actuelles et éventuelles découvertes scientifiques. « La vérité ne peut pas contredire la vérité », rappelle Léon XIII dans son encyclique Providen­tissimus Deus. Jean-Paul II lui faisait écho à l’occasion d’un discours adressé à des professeurs et à des étudiants de Cologne.

Il ne peut y avoir de conflit fondamental entre la raison qui, en conformité avec sa propre nature qui vient de Dieu, est axée sur la vérité et est ordon­née à la connaissance de la vérité, et une foi, qui réfère à cette même source divine de toutes les vérités. La foi confirme en fait les droits spéci­fiques de la raison naturelle (5 novembre 1980).

Lors d’un symposium organisé par l’Académie pontificale des sciences et le Conseil pontifical pour la culture, Jean-Paul II revenait sur ce thème.

Lorsqu’elles suivent leurs propres méthodes respectives, la religion et la science sont des éléments constitutifs de la culture… et plutôt que de s’opposer, elles sont marquées par la complémentarité (4 octobre 1991).

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Nicolas Copernic, astronome, médecin, mathématicien et chanoine catholique est considéré comme le “père” des sciences modernes en ce qu’il a été le premier à émettre l’hypothèse de l’héliocentrisme voulant que la Terre tourne autour du Soleil et non l’inverse selon les préjugés de l’époque.
Plusieurs décennies après la mort de Coperrnic, le pape Paul V condamnait son oeuvre (1616) comme contraire à l’Écriture Sainte.
Dans la foulée de la condamnation de Copernic, Galilée était à son tour poursuivi par l’Inquisition et forcé d’abjurer ses conceptions scientifiques pour éviter une condamnation à mort. En 1992, il était réhabilité par le pape Jean-Paul II.
Le Magistère du pape Pie XII marque un tournant décisif et une prise de distance définitive de l’attitude anti-scientifique qui s’est développé dans l’Église à la suite des condamnations de Copernic et Galilée. En dépit des pressions qui proviennent de tous côtés, Pie XII recommande une attitude d’ouverture à l’égard de la théorie scientifique de l’évolution.
De nouvelles connaissances, a soutenu Jean-Paul II, «conduisent à reconnaître dans la théorie de l’évolution plus qu’une hypothèse». Le pape a souligné le fait qu’il existe plusieurs théories de l’évolution. Certaines issues de présupposés matérialistes et réductionnistes sont incompatibles avec la foi. Tandis qu’une interprétation «spiritualiste» est tout à fait recevable d’un point de vue chrétien.
En 2008, Benoît XVI a soutenu devant l’Académie pontificale des sciences que la création n’est pas achevée et qu’il n’y a aucune incompatibilité entre création et évolution. Cependant, a-t-il ajouté, « nous ne sommes pas le produit accidentel et dépourvu de sens de l’évolution. Chacun de nous est le fruit d’une pensée de Dieu, chacun de nous est voulu, chacun de nous est aimé, chacun de nous est nécessaire »
En 2014, dans un discours adressé à l’Académie pontificale des sciences, le pape François a soutenu que «L’évolution dans la nature n’est pas en contradiction avec la notion de création parce que l’évolution exige la création d’êtres qui évoluent. Le Big Bang et l’évolution sont non seulement cohérents avec les enseignements de la Bible, ils sont essentiels pour comprendre Dieu.»

5 réponses à “3- L’Église et l’évolution”

  1. Aborder la question de « l’évolution » demande de nombreuses nuances. Je me permets d’en évoquer ici quelques-unes qui m’apparaissent essentielles.
    Tout d’abord, il ne faudra jamais perdre de vue l’affirmation capitale de Jean-Paul II que notre auteur rappelle à propos : « Et, à vrai dire, plus que de la théorie de l’évolution, il convient de parler des théories de l’évolution. Cette pluralité tient, d’une part à la diversité des explications qui ont été proposées du mécanisme de l’évolution et, d’autre part, aux diverses philosophies auxquelles on se réfère ».
    Prise au singulier, la théorie de l’évolution réfère à la théorie synthétique de l’évolution (TSE) ou néodarwinisme. Dans ce sens singulier, la théorie de l’évolution ne doit en aucun cas être confondue avec « la théorie du Big bang ». Ce sont deux théories distinctes qui appartiennent à deux domaines de science et de recherche complètement différents. Les déterminismes des lois de la physique qui sont à l’œuvre dans la théorie du Big bang et les déterminismes des lois de la biologie qui sont à l’œuvre dans la T.S.É. sont complètement différents.
    Parfois, dans une « histoire de l’univers », nous mettons ces deux théories comme bout à bout. C’est fort sympathique et agréable à la raison. Mais il faut être bien conscient que, lorsque nous faisons cela, nous ne sommes pas en train de présenter une théorie scientifique. Nous élaborons une cosmologie de l’univers.
    Cette précision est importante car, à ce qu’il me semble, tout le travail de notre ami Paul Bouchard vise à mettre en dialogue diverses cosmologies de l’univers, dont celle que présente les récits bibliques de la création et celle qui peut s’appuyer sur les données scientifiques culturellement admises aujourd’hui.
    Si on revient à « la théorie de l’évolution », i.e. la T.S.É., il faut encore apporter des précisions importantes. Je suis toujours mal à l’aise lorsque, faisant référence à cette théorie, on affirme « que la théorie de l’évolution est fermement fondée sur des faits scientifiques indéniables ». Paul Bouchard semble dire que la Commission théologique internationale du Vatican pose une telle affirmation.
    À l’intérieur de cette théorie, qu’est-ce qui est fondé sur des faits scientifiques indéniables ? Nous pourrions mettre, en tête de liste, ce que le document en question évoque, à savoir « qu’il a été démontré que tous les organismes vivants sur la terre sont génétiquement apparentés et qu’il est virtuellement certain que tous les organismes vivants descendent du premier organisme (no 63). ». Encore faudrait-il voir quels sont les certitudes scientifiques de cette affirmation. Mais, reconnaissons que cela est culturellement admis dans notre monde occidental.
    Par contre, les déterminismes de l’évolution que présente la T.S.É., eux, ne peuvent absolument pas entrer dans ce qui est « fermement fondé sur des faits scientifiques indéniables ». J’en rappelle quelques-uns. On attribue généralement à Julian Huxley, en 1942, d’avoir uni les intuitions de Darwin sur « l’origine des espèces » et les découvertes de Mendel concernant la génétique pour donner naissance à ce qui a été appelé : « Théorie synthétique de l’évolution ou néodarwinisme ». La mise en commun de cette deux découvertes est judicieuse mais je ne suis pas prêt à affirmer qu’elle soit fondée sur des faits scientifiques indéniables. De 1942 jusqu’à aujourd’hui, c’est toujours la même théorie qui est enseignée. Selon cette théorie, trois facteurs entrent en ligne de compte dans l’évolution des espèces.
    Premier facteur : des mutations génétiques qui se produisent par hasard. Selon Hubert Reeves, dans « Poussière d’étoile » (Seuil, 1984), ces mutations peuvent être dues à l’intervention de « rayons cosmiques en provenance de l’espace » (p. 164). Selon un bon nombre de scientifiques aujourd’hui, ces mutations sont dues à des erreurs dans le retranscription de l’ADN. Je signale ici que faire intervenir la hasard n’est pas ce qu’il y a de plus scientifique. Et j’ajoute que, à ce jour, à ma connaissance, malgré toutes les recherches, rien ne fonde « sur des faits scientifiques indéniables » la « croyance » dans le fait que ce sont des mutations génétiques produites par hasard qui sont le moteur principal de l’évolution.
    Deuxième facteur : la sélection naturelle. Ce fut la thèse fondamentale de Darwin. Dans le prolongement des mutations génétiques se produisant par hasard, c’est le seul jeu de la sélection naturelle qui va produire l’évolution. Les mutations avantageuses seront gardées et les mutations désavantageuses seront éliminées. Notons d’abord que, en intégrant la notion de sélection naturelle, Darwin fait entrer dans sa théorie un anthropomorphisme important et il intuitionne donc la référence à un agent extérieur. Dans la sélection des éleveurs de moutons, l’agent extérieur est l’éleveur. Dans la sélection naturelle, l’agent extérieur est « la nature ». Il faudra bien un jour s’interroger sur les qualités de cet agent. Mais, bien avant cette interrogation, il faut encore affirmer que le travail de la sélection naturelle dans l’évolution des espèces est bien loin d’être solidement démontré par la science.
    Troisième facteur : la séparation. La T.S.É. affirme encore que, si une population d’une même espèce évolue pour donner naissance à deux espèces différentes, c’est parce qu’une partie de cette population a été séparée d’une autre pendant une longue période par une frontière géographique comme une rivière ou une montagne. Là encore, nous sommes bien loin d’une affirmation solidement établie d’un point de vue scientifique. Outre l’océan et les montagnes Rocheuses, je ne vois pas très bien quelle frontière géographique a pu séparer les population d’oiseaux pour donner naissance aux 4000 espèces qui se côtoient actuellement sur le seul continent sud-américain.
    Concernant les déterminismes de l’évolution, la vérité est donc celle-ci : NOUS NE SAVONS PAS. Et j’aimerais dire ceci à la nouvelle génération de scientifiques et de chercheurs : « Cessez de répéter les inepties de vos ancêtres. Cherchez à mieux comprendre ce qui est à l’œuvre dans l’évolution des espèces. Vos découvertes nouvelles apporteront une contribution réelle à « la pensée nouvelle » et, partant, à l’établissement de la civilisation de l’amour.
    Tout ceci étant dit, il est clair que, lorsque notre ami Paul Bouchard fait référence à « la théorie de l’évolution », il considère uniquement le « principe » de l’évolution. Il ne s’attarde pas à toute la présentation de la T.S.É. que je viens de faire. Cela ne l’intéresse pas comme tel. Mais je crois que, justement, cela devrait être dit de manière plus claire afin de ne pas laisser de sous-entendu. Car la personne qui lira les textes de Paul Bouchard aura fort probablement dans sa tête toute la T.S.É.. Bien peu de gens, à ma connaissance, font la distinction entre le « principe » et les « modalités » de l’évolution, ce que Paul, lui, fait avec grand à propos.
    J’apporte un dernier élément de réflexion. Lorsque j’écoute les gens parler, je comprends que, pour le commun des mortels, « les espèces s’adaptent » et l’évolution est le fait du triomphe des mieux adaptés. C’est simple et logique. Pourtant, depuis Darwin jusqu’à aujourd’hui, les scientifiques ont toujours rejeté le principe d’adaptation. Cela signifie que, pour la communauté scientifique, les adaptations acquises en cours d’existence ne peuvent pas être transmises aux descendants. Voilà pourquoi on se rabat sur « les mutations génétiques ». Mais serait-il possible que l’intuition populaire soit, ici encore, plus proche de la réalité que ne le croient les scientifiques ?

    1. « L’évolution dans la nature n’est pas en contradiction avec la notion de création parce que l’évolution exige la création d’êtres qui évoluent. Le Big Bang et l’évolution sont non seulement cohérents avec les enseignements de la Bible, ils sont essentiels pour comprendre Dieu. »

      Cette phrase d’une densité remarquable est tirée du discours que le pape François a adressé à l’Académie pontificale des sciences en 2014. Je ne l’ai pas cité dans mon entretien sur l’Église et l’évolution pour la bonne raison que mon écrit remonte à plus d’une décennie avant la déclaration du Pontife romain. Je pourrai sans doute l’insérer d’une manière ou d’une autre pour les prochaines productions du volume. Je retiens surtout la deuxième phrase, importante pour notre recherche.

      D’abord, le pape relie, à la suite l’une de l’autre, les deux grandes découvertes scientifiques modernes qui ont bouleversées la culture traditionnelle sur la création. Bien que ces deux domaines ne dépendent pas des mêmes lois et ne relèvent pas des mêmes sciences (la physique et la biologie), les considérer globalement dans une optique philosophique peut enrichir considérablement notre appréhension de la réalité.

      D’un pape à l’autre, le Magistère de l’Église dévoile, de plus en plus précisément, ce qui est en jeu ici. Sur la route de l’humanité vers son accomplissement, ces concepts scientifiques, dit François, sont essentiels pour comprendre Dieu. Et j’ajoute : …pour comprendre Dieu et Sa création.

      Dieu a écrit deux livres, a déclaré Galilée lors de son procès : la Bible et la nature. Non seulement ces deux livres ne se contredisent pas mais ils devraient être lus en parallèle pour bien saisir ce que Dieu dit de Lui-même par sa création.

      Cela dit, je comprends tes réticences, et les endossent entièrement, lorsque tu critiques les modalités de l’évolution interprétées par les néodarwinistes ou TSE. Je suis d’accord avec toi pour mettre en doute leurs bases scientifiques. Rien ne prouve que le hasard des mutations et la sélection naturelle soient les moteurs de l’évolution. Ces hypothèses non scientifiques méritent d’être vigoureusement critiquées et d’autant plus qu’elles sont enseignées dans les écoles. Tandis que dans les milieux scientifiques, les bulldogs du positivisme athée, les utilisent comme un infaillible et intouchable dogme antithéiste.

      Dans mon ouvrage, pourtant, j’ai opté pour une approche positive plutôt que de m’enfoncer dans des ornières de controverses. J’évite la polémique. Ma stratégie vise à prendre le lecteur par la main pour l’amener graduellement à une interprétation si juste des évidences, si révélatrice de sens qu’elle rendra caduques les hypothèses boiteuses pseudo scientifiques.

      D’autre part, les scientifiques parlent aux scientifiques. Ils ne communiquent qu’avec leurs pairs en mesure de décoder le langage des érudits. Les perceptions du commun des mortels, comme toi et moi, ne les atteignent pas. Les confronter en remettant en cause leur savoir ou dans le but de les convertir à une tout autre perspective s’avère donc inefficace. Ils n’écouteront pas ceux qui prétendraient les obliger à sortir de la prison de leur savoir partiel et partial.

      Quant à ma démarche, j’espère susciter l’intérêt du public en révélant une nouvelle voie de recherche de la vérité. Vérité profonde, mystérieuse, universelle, humaine, divine. Chacun peut y accéder sous condition de reconnaître ses limites. Cette disposition est requise. Car elle prédispose l’esprit à s’engager dans une voie inédite d’exploration de l’univers visible et invisible.

      Cette perspective innovatrice, c’est l’expression “substance vivante” qui en est la clef. Ce concept ouvre la porte épistémologique donnant accès à la pensée nouvelle. Nous y viendrons éventuellement !

  2. Nicolas Tremblay

    Merci pour ces précisions précieuses

  3. Nicolas Tremblay

    En vue de notre prochaine rencontre du GTPN, j’aimerais aborder les 2 points suivants.
    Point 1 : Le fait de l’évolution. Parmi toutes les théories de l’évolution, le seul point qui nous intéresse vraiment est « le fait de l’évolution ». L’univers n’est pas statique. Il est en évolution. Il a, en quelque sorte, un point de départ et un point d’arrivée, un début et une fin. Et entre les deux, il y a une transformation évolutive merveilleuse que la science actuelle cherche à mettre à jour de manière de plus en plus lumineuse.
    Pour notre réflexion, nous ne nous intéressons pas aux détails des théories. Ni les mutations génétiques ni la sélection naturelle, ni l’expansion ou le refroidissement de l’univers ne nous intéresse. Nous prenons note du fait de l’évolution et nous regardons comment cette réalité nous permet de jeter un regard particulier sur les récits bibliques de la création.
    2e point : L’émergence de la vie. Au milieu de cette évolution, il semble que la vie émerge de la matière. Fait étonnant et inexpliqué s’il en est un. C’est cette émergence de la vie qui engendre la célèbre courbe d’énergie que notre ami Paul Bouchard nous présentera un peu plus loin dans ses entretiens. S’il n’y avait pas l’émergence de la vie, il n’y aurait pas de courbe. Il y aurait une ligne droite qui descendrait inexorablement vers le néant, néant qui correspondrait globalement à « la mort thermique de l’univers ». Mais l’émergence de la vie fait en sorte que la courbe se redresse. Et « quelque chose » cherche à retourner vers la source primordiale d’énergie.
    Déjà, Kurt Gödel (1906 – 1978) affirmait que la pensée de l’éternité était une « pensée logique ». Selon lui, il serait illogique de penser que toute la merveilleuse expansion évolutive que la science met actuellement en lumière n’aboutirait qu’au néant d’une banal « mort thermique de l’univers ». Il est donc nécessaire qu’il y ait, à l’intérieur de ce processus évolutif, « quelque chose » qui ne meurt pas.

  4. Cet article effleure à peine un sujet d’une importance capitale qui mériterait un plus ample développement. Il s’agit de la distinction entre la connaissance vraie et l’interprétation qui en est faite par une ou des personnes évoluant dans des contextes culturels différents. Par exemple, tel passage biblique particulier peut obtenir une interprétation très différente selon ce qu’il est reçu par un moine du moyen-âge isolé dans son cloître ou un laîc contemporain plongé dans une cité moderne. Ou encore, telle démonstration scientifique peut avoir des résonances aux antipodes selon les a priori matérialistes ou spiritualistes des chercheurs.

    La vérité universelle que nous cherchons ne se trouve pas chez l’un ou l’autre camp. Car elle réclame le dépassement de toute partisannerie culturelle, quel que soit le domaine concerné. Elle requière une discipline marquée par le renoncement aux idées préconçues et aux intérets sociologiques. Même les savants de haut calibre et les religieux les plus saints peuvent y achopper.

    Lors des entretiens subséquentes avec Albert, nous verrons que le piège évoqué ici est évité par une approche de la réalité d’une simplicité désarmante. Il suffit de part et d’autre de reconnaître les compétences ainsi que et surtout les limites du discours issu de la portion de réalité dans le colimateur de la démarche concernée.

    En bout de ligne, il s’agit pour nous de poser un regard de synthèse sur les substances qui entrent dans la composition du réel : la MATIÈRE et la VIE. La deuxième partie de mon ouvrage, que nous aborderons sous peu, est surtout concernée par la SUBSTANCE MATÉRIELLE. La troisième partie auscultera principalement, en compagnie d’Ève, la SUBSTANCE VIVANTE.

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