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21- Le nouvel Organisme

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Albert : L’AUTRE dont vous avez parlé lors de notre dernier entretien m’intrigue et me révulse tout à la fois ? Où voulez-vous nous mener au juste ?

— L’AUTRE est insaisissable par la raison limitée à ses seules ressour­ces. C’est un plongeon dans l’au-delà du MOI. C’est un pari sur la vie à venir, à la fois proche et lointaine. C’est l’étranger, le différent, le Tout autre que moi. Pour le croyant, en définitive, c’est l’amour de Dieu et du prochain.

Il faut faire un pas dans le vide de la foi et marcher joyeusement vers l’inconnu pour se livrer à ce Tout Autre. Comment en effet l’homme pourrait-il connaître ce qui le dépasse ? Comment pourrait-il apprendre à vivre au-delà de lui-même ? Comment pourrait-il de lui-même déplafonner ses limites et franchir la distance immense entre l’homme et l’Ange ? Par quel sens pourrait-il voir la beauté qui l’attend, la gloire qui lui est desti­née ? Par quelle faculté pourrait-il comprendre ce qui le sauve ?

Pour s’intégrer à l’Organisme du quatrième niveau de la Maison de la vie, l’être humain doit subir une transformation psycho-spirituelle. Il doit se départir de la perspective égocentrique du MOI qui lui fait se voir au centre de la réalité pour que sa croissance vitale passe désormais par l’axe de l’amour de l’autre. C’est à cette condition qu’il pourra, en définitive, accéder à une autre vie, une vie qui triomphe de la mort. La pratique religieuse anticipe sur cette vie à venir. Elle permet, dès à présent, de se brancher sur le monde futur. C’est pourquoi la foi en Dieu, la confiance en un Être Suprême, est une incontournable condition du passage à cette vie nouvelle.

— La foi, dites-vous ? Mais laquelle ? La croyance au Grand Manitou, à Yahvé ou à Allah ? La pratique des amulettes ou des médailles ? Celle des idoles ou des statues ?

— Cher Albert, nous avons déjà observé que la connaissance religieuse a subi au cours de l’Histoire une évolution. Tout comme la connaissance scientifique, elle a progressé. Entre la cosmologie de Ptolémée et celle d’Albert Einstein, le progrès n’est-il pas considérable ? Il en est de même pour la connaissance religieuse. Il ne faut pas amalgamer les balbutiements primitifs d’une religion superstitieuse et les avancées de pointe des grands mystiques. Depuis l’aube des temps jusqu’à ce jour, la vie spirituelle a évolué en parallèle aux progrès techniques et scientifiques de l’humanité. Depuis Abraham jusqu’à Mère Teresa, un parcours inestimable a été accompli dans la dimension intérieure de l’humain. Notre actuelle démarche, d’ailleurs, ne constituerait-elle pas un progrès qui pourra possiblement susciter des découvertes et inspirer de nouvelles pratiques ?

Souvenons-nous qu’entre le plancher et le plafond de chaque étage de la Maison de la vie, il existe un espace considérable que le progrès évolutif doit combler avant que la substance vivante puisse accéder au plancher de l’étage au-dessus. Il est possible de suivre pas à pas ce progrès, dans les religions comme dans tout autre domaine. Si bien qu’une vision en rétrospective permet de discerner entre les formes accidentelles qui ont avorté et la démarche du parcours historique qui prolonge la courbe ascendante.

À partir du critère de l’axe de croissance, l’on peut d’emblée discriminer entre des praxis religieuses des troisième et quatrième niveau. La religio­sité de troisième niveau est caractérisée par le MOI qui se perçoit au centre de l’univers. La relation avec la divinité s’établira donc en fonction de la crainte qu’elle inspire ou des intérêts ponctuels du MOI: la prospérité, les biens terrestres, la progéniture, les événements accidentels de la vie, etc. Tandis qu’une démarche de quatrième niveau est axée sur l’Absolu, le Tout Autre. Elle a comme point de départ et d’arrivée l’amour de Dieu pour Lui-même. Un amour qui se répercute sur le prochain, appelé lui aussi à participer à la grande synthèse angélique. L’amour de Dieu et du pro­chain, c’est le ciment qui relie ensemble dans l’unité les divers éléments, — les “cellules” que nous sommes déjà ou que nous sommes appelés à devenir — de l’immense Corps angélique.

— Mais comment finir par s’y retrouver au milieu des très nombreuses doctrines religieuses qui ont pour caractéristique commune de se pré­senter comme critère de vérité tout en se contredisant entre elles ?

— Pour s’y retrouver, il faudrait considérer avec attention le périple religieux de l’humanité afin d’identifier la ou les doctrines qui s’harmonisent le plus aux concepts philosophiques que nous avons élaborés jusqu’ici. Les avancées de notre démarche pourraient en principe servir de jauge pour mesurer la valeur comparative des diverses religions.

Mais il ne m’appartient pas d’entreprendre un tel travail. Car il faudrait y consacrer une volumineuse et savante recherche. Bouddha, Confucius, Lao-Tseu, Moïse, Jésus, Mahomet ont été des initiateurs de religions qui font encore leur marque dans la culture de l’humanité d’aujourd’hui. Le­quel de ces grands hommes est parvenu à saisir pleinement le devenir de la substance vivante ?

Plutôt que de parcourir avec vous le long chemin d’une démonstration fondée sur des données d’érudition, je vous soumets d’emblée mes con­clusions à cet égard, tout en vous laissant l’initiative d’en valider éventuel­lement les énoncés par votre propre recherche. Est-ce que cette proposition vous convient ? Peut-être préféreriez-vous en rester là, quitte à conclure ici nos entretiens. Peut-être voudrez-vous continuer seul votre route plutôt que de subir une pression indue sur votre liberté et votre orientation ? Je ne peux pas vous contraindre à parcourir une voie qui risque d’engager votre devenir.

— Je vous remercie pour votre délicatesse et votre respect de mon che­minement. Continuez, je vous prie. Je ne crains nullement de contrain­tes à ma liberté de votre part.

— Mon enquête à moi n’a pas été très longue. Je suis vite parvenu à une conclusion. Car en regard du tableau que nous avons brossé de l’évolution biologique, c’est devenu pour moi une évidence claire qu’il n’existe pas de religion plus concordante et plus éclairante que celle issue du Christ.

Ce qui pour moi est vraiment décisif en regard des quatre évangiles, c’est le fait que Jésus se soit donné pas moins de 85 fois le titre mystérieux de « Fils de l’homme ». Toute la question est de savoir — et les exégètes sont unanimement perplexes à ce propos — ce qu’il voulait signifier par cette expression. À l’aveugle de naissance qu’il venait de guérir, Jésus demande :

« Crois-tu au Fils de l’homme ? » Il répondit : « Et qui est-il, Seigneur, que je croie en lui ? » Jésus lui dit : « Tu le vois ; celui qui te parle, c’est lui » (Jn 9, 35-37).

Étrange le « c’est lui » plutôt que c’est moi ! Comme s’il s’agissait de quelqu’un d’autre. Et pourtant, c’est bien de lui-même dont il parle lors­qu’il rapporte, entre autres, les critiques de ses coreligionnaires :

Vient le Fils de l’homme, mangeant et buvant, et l’on dit : « Voilà un glouton et un ivrogne, un ami des publicains et des pécheurs » (Mt 11, 19).

L’expression vise donc bien un homme en chair et en os qui ne manque pas de participer aux fêtes et réjouissances des humains. Ailleurs, il fait allusion à sa fragilité d’homme mortel mais qui a pourtant un destin bien particulier :

Le Fils de l’homme va être livré aux mains des hommes, et ils le tueront, et, le troisième jour, il ressuscitera (Mt 17, 22-23).

Selon plusieurs exégètes, si l’on peut mettre en doute l’historicité litté­rale d’un nombre de paroles mises dans la bouche de Jésus par les évan­gélistes, le titre de Fils de l’homme quant à lui remonte très certainement au personnage à l’origine du christianisme. Car dans les évangiles, Jésus est le seul à s’attribuer ce nom. Ce qui indiquerait qu’il l’a utilisé pour exprimer la conscience qu’il avait de sa mission. De plus, le titre était tout aussi énigmatique pour ses contemporains qu’il peut l’être pour nous. Le quatrième évangéliste rapporte leur questionnement.

Comment peux-tu dire qu’il faut que le Fils de l’homme soit élevé ? Qui est-il ce Fils de l’homme ? (Jn 12, 34).

Jésus s’identifie très certainement au Fils de l’homme mais, paradoxa­lement, il en parle comme d’un personnage encore lointain, à distance, en quelque sorte, de sa contemporanéité. Il en parle comme de quelqu’un devant venir dans le futur et auquel il est mystérieusement associé. Par exemple, il indique que sa mission ne s’accomplira pleinement que lors de son retour — non plus dans sa forme humaine mais dans la condition im­mortelle et divine — à la fin des temps.

Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, escorté de tous les Anges, alors il prendra place sur son trône de gloire. Devant lui seront rassemblées toutes les nations, et il séparera les gens les uns des autres, tout comme le berger sépare les brebis des boucs (Mt 25, 31-32).

Au Grand Prêtre qui lui pose la question : « Je t’adjure par le Dieu vivant de nous dire si tu es, toi, le Messie, le Fils de Dieu », il déclare solennellement :

Tu le dis… Désormais vous verrez le Fils de l’homme siégeant à la droite du Tout-Puissant et venant sur les nuées du ciel  (Mt 26, 64).

Ces passages faisant allusion à la mission future du Fils de l’homme font clairement référence à une vision rapportée dans le livre du prophète Daniel.

Je regardais dans les visions de la nuit, et voici qu’avec les nuées du ciel venait comme un Fils d’Homme. Il arriva jusqu’au Vieillard [Dieu], et on le fit approcher en sa présence. Et il lui fut donné souveraineté, gloire et royauté : les gens de tous les peuples, nations et langues le servaient. Sa souveraineté est une souveraineté éternelle qui ne passera pas, et sa royau­té, une royauté qui ne sera jamais détruite (Dn 7, 13-14).

— Le Fils de l’homme serait donc destiné à établir éventuellement un Royaume de Dieu sur la terre ? 

— Faut-il interpréter cette prophétie à la lettre ? Est-ce bien d’un règne terrestre dont il est question ? À Pilate qui l’interroge sur sa condition sociale, Jésus répond : « Tu le dis, je suis roi ». Mais il ajoute :

Mon royaume n’est pas de ce monde. Si mon royaume était de ce monde, mes gens auraient combattu pour que je ne sois pas livré aux Juifs. Mais mon royaume n’est pas d’ici (Jn 18, 36-37).

Si nous transposons cette parole dans notre langage de recherche, nous interprèterons que Jésus soulignait ainsi que sa royauté ne concernait pas le troisième niveau de la Maison de la vie où sévissent les rivalités et les conflits pour le pouvoir. Sa royauté est d’un autre ordre, celui du quatrième niveau, où toute violence est surmontée parce que la vie y triomphe de la mort.

Jésus était conscient de l’existence de ce quatrième niveau. Il y était déjà établi en esprit. C’est là qu’il situait sa mission. Elle ne consistait pas uniquement à triompher de la mort mais à sauver l’humanité de l’impasse vers lequel s’achemine son Histoire.

Une fois élevé de terre, j’attirerai tous les hommes à moi (Jn 12, 32). Le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi mais pour servir et donner sa vie en rançon pour une multitude (Mc 10, 45). Car le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu (Lc 19, 10).

— Je ne vois pas le lien que vous faites subrepticement entre la royauté du Fils de l’homme et la mission de Sauveur de l’humanité.

— Je ne connais pas de réponse facile à votre questionnement. Je suggère que nous élargissions notre perspective pour qu’apparaisse, dans le flou du mystère, une approche intuitive du devenir de la substance vivante.

Je suis convaincu que Jésus percevait la structure de la réalité telle que nous la découvrons ici. C’est-à-dire qu’il voyait le développement de la vie sur la Terre en paliers successifs. Intuitivement, il savait que chaque nouvelle étape était acquise par un processus de synthèse du monde en dessous.

Dès lors, il pouvait considérer que la nature — soit tous les organismes vivants, le règne animal en particulier — était comme un “père” qui avait engendré un “fils”, Adam, “le fils de la nature”, synthèse du monde animal fait de glaise, c’est-à-dire l’homme terrestre. De la même manière, l’hu­manité entière était appelée à son tour à engendrer un “fils” — le Fils de l’homme — destiné à réunir dans l’unité tous les humains.

Bien entendu, cette vision est partielle. Il s’agit d’un aspect limité d’une réalité qu’on ne pourra jamais cerner complètement. Elle demeurera tou­jours mystérieuse pour notre rationalité par trop limitée au terrestre. Exiger une définition rigoureuse et complète équivaudrait, par exemple, à récla­mer d’un chien un discours sur la philosophie de Platon.

Un organisme de deuxième niveau ne peut ni utiliser ni comprendre le langage du troisième niveau. De même, la rationalité caractéristique de l’être humain n’a pas la compétence qu’il faut pour saisir ce qui concerne le quatrième niveau.

Pour approcher de ces réalités qui évoluent dans l’invisible au-dessus de nous, la rationalité doit céder la place à ce qui la fonde. C’est-à-dire à la fine pointe de l’esprit qui sait reconnaître ce qui est vrai parce qu’elle possède en germe l’intelligence intuitive des réalités spirituelles. Par l’in­tuition, l’être humain peut saisir quelque chose comme les balbutiements du langage propre du quatrième palier de la Maison de la vie.

L’intuition dépasse la rationalité objective en éclairant l’intelligence par des vérités vécues, expérimentées, éprouvées plutôt que déduites du processus d’abstraction du sujet connaissant. C’est pourquoi, lorsque je tenterai d’expliquer le Fils de l’homme, il vous faudra comprendre mes énoncés en faisant plus appel à l’intuition qu’à la raison. Car ce que je puis en dire est trop faible et tout à fait disproportionné par rapport à la sublime réalité que je veux évoquer.

Un premier paradoxe à noter, c’est le caractère à la fois unique et multiple du Fils de l’homme. Ce que le prophète Daniel, que nous avons cité, fait ressortir. Il décrit la vision du Fils de l’homme comme un person­nage unique venant sur « les nuées du ciel » à qui il « fut conféré empire, honneur et royaume… Son empire est un empire éternel qui ne passera point, et son royaume ne sera pas détruit » (Dn 7, 14). Mais lorsque Daniel demande l’interprétation de cette vision, on lui répond en utilisant le pluriel pour décrire une collectivité.

Ceux qui recevront le royaume sont les saints du Très Haut, et ils possé­deront le royaume pour l’éternité, et d’éternité en éternité (Dn 7, 18).

L’alternance paradoxale entre l’unité et la pluralité revient plus loin dans l’explication donnée par l’Ange.

Le royaume et l’empire et les grandeurs des royaumes sous les cieux seront donnés au peuple des saints du Très Haut. Son royaume est un empire éternel et tous les empires le serviront et lui obéiront (7, 27).

Pour en savoir encore davantage sur la mystérieuse dimension commu­nautaire du Fils de l’homme qui est ici évoquée, on peut se référer aux lettres de saint Paul. Bien qu’il ne mentionne pas lui-même le titre de Fils de l’homme — il utilise plutôt le mot Christ — l’on peut interpréter plusieurs passages de ses écrits dans le sens du processus de synthèse de la substance vivante au quatrième étage de la Maison de la vie.

Selon la doctrine de l’Apôtre que je résume ici, Jésus a ouvert, dans la vie terrestre, une brèche par laquelle les humains peuvent passer pour se sauver. Par sa mort et sa résurrection, il a libéré l’humanité de la mort qui la tenait captive.

Traduit dans le langage de notre recherche, le kérygme apostolique (la proclamation de la foi des Apôtres) implique le déplafonnement de l’im­passe dans laquelle la substance vivante stagne en une humanité prison­nière de cercles vicieux évolutifs, consécutifs à sa condition mortelle et à ses piétinements moraux. La croix est la porte d’entrée au quatrième étage. Car c’est par le don de lui-même, le renoncement à son MOI pour l’amour d’autrui, que Jésus montre le chemin d’une vie nouvelle.

Nul n’a d’amour plus grand que celui qui se dessaisit de sa vie pour ceux qu’il aime (Jn 15, 13).

En de très nombreux passages, Paul évoque le caractère communau­taire de la nouvelle voie d’évolution que Jésus débloque par son sacrifice. Et il soutient que le dessein de Dieu est « de ramener toutes choses sous un seul Chef, le Christ, les êtres célestes comme les êtres terrestres » (Ép 1, 10). Jésus est « l’aîné d’une multitude de frères » (Rm 8, 29). Ensemble, ils forment le Corps du Christ.

Car de même que notre corps en son unité possède plus d’un membre et que ces membres n’ont pas tous la même fonction, ainsi nous, à plusieurs, nous ne formons qu’un seul corps dans le Christ, étant, chacun pour sa part, membres les uns des autres (Rm 12, 4-5). Vous êtes, vous, le corps du Christ, et membres chacun pour sa part (1 Co 12, 27). Ne savez-vous pas que vos corps sont les membres du Christ ? (1 Co 6, 15 ; cf. Ép 5, 30).

— Ainsi donc, selon vous, le quatrième niveau serait déjà acquis et ac­compli par les contemporains mêmes de Jésus ?

— Par sa victoire sur la mort, pouvons-nous interpréter avec les mots de notre recherche, Jésus a été le premier humain à déplafonner avec son corps physique le troisième niveau pour inaugurer une nouvelle croissance de la substance vivante dans le monde tout neuf du quatrième étage. L’Apôtre le décrit comme la « Tête » (cf. Ép 1, 22 ; 5, 23) à partir de laquelle se forment les membres. S’il avait possédé nos connaissances biologiques actuelles, il aurait vraisemblablement utilisé l’image d’une première cellule initiale à partir de laquelle se développe tout le corps de l’enfant dans l’utérus de sa mère.

Il n’y a qu’un Corps et qu’un Esprit, comme il n’y a qu’une espérance au terme de l’appel que vous avez reçu (Ép 4, 4).

Ce Corps possède des “organes” qui assument diverses fonctions pour maintenir la vie unique de l’ensemble des cellules.

C’est lui, encore, qui a donné aux uns d’être apôtres, à d’autres d’être prophètes, ou encore évangélistes, ou bien pasteurs et docteurs, organis­ant ainsi les saints pour l’œuvre du ministère, en vue de la construction du Corps du Christ, au terme de laquelle nous devons parvenir tous en­semble, à ne faire plus qu’un dans la foi et la connaissance du Fils de Dieu, et à constituer cet Homme parfait, dans la force de l’âge, qui réalise la plénitude du Christ. (…) Mais, vivant selon la vérité et dans la charité, nous grandirons de toutes manières vers Celui qui est la Tête, le Christ, dont le Corps tout entier reçoit concorde et cohésion par toutes sortes de jointures qui le nourrissent et l’actionnent selon le rôle de chaque partie, opérant ainsi sa croissance et se construisant lui-même, dans la charité (Ép 4, 11-16).

Pour l’Apôtre, le Corps du Christ — ou le Fils de l’homme — n’est pas une réalité statique et achevée. Il est en chantier. L’Apôtre n’hésite pas à comparer sa croissance à la construction d’un édifice, un Temple au centre duquel Dieu Lui-même fait sa demeure.

Vous avez été intégrés dans la construction qui a pour fondation les apô­tres et les prophètes, et Jésus Christ lui-même comme pierre maîtresse. C’est en lui que toute construction s’ajuste et s’élève pour former un Temple saint dans le Seigneur. C’est en lui que, vous aussi, vous êtes ensemble intégrés à la construction pour devenir une demeure de Dieu par l’Esprit (Ép 2, 20-22).

L’Organisme nouveau du quatrième niveau se construit au présent à l’insu du monde affairé des humains. Pendant qu’ils cheminent en titubant dans l’Histoire, cependant que leurs sociétés ont le temps de s’organiser et de se déstructurer, que leurs civilisations prennent leur essor et s’écroulent, l’Ange de la Terre, le Fils de l’homme ou le Corps du Christ se dévelppe depuis deux millénaires en planant invisiblement au-dessus de l’espace et du temps jusqu’à ce qu’il parvienne à la maturité. Il s’accroît en intégrant à sa structure les humains qui se dépassent et avancent par la foi au-delà d’eux-mêmes vers Lui.

— Je suis tout abasourdi par votre certitude. Mais où en sommes-nous actuellement ? Quel est le devenir de l’homme ? Qu’adviendra-t-il lorsque la croissance du Fils de l’homme sera achevée ? Et quand cela se produira-t-il ? Les questions se bousculent dans ma tête.

— Cher Albert, il est normal que cette vision suscite en vous une cer­taine inquiétude. Car elle vous confronte inévitablement à votre liberté et à votre responsabilité. Mais je vous enjoins de ne pas céder à la panique. Laissez plutôt descendre en vous les images qu’ont inspirées nos entre­tiens. Elles produiront leurs effets en temps opportun. Nous avons encore du temps pour nous décider et nous brancher sur la plénitude de la vie.

Et ceci, même si par ailleurs nous pouvons constater à tout moment que « le temps se fait court » (1 Co 7, 29). Nous pouvons avoir une idée de l’époustouflante rapidité de l’évolution au quatrième étage de la Maison de la vie en considérant la courbe ascendante de la substance vivante.

Au début de l’essor de la vie, la distance entre le plancher et le plafond au premier étage des unicellulaires a nécessité un temps d’évolution qui se chiffre en milliards d’années. Mais plus la substance vivante se développe en se complexifiant, plus l’évolution va en s’accélérant. Parvenu au qua­trième niveau, il n’est pas impossible que la croissance du Fils de l’homme entre le plancher et l’intégration définitive à la Source primordiale d’éner­gie se mesure en termes de siècles. Ce que confirmeraient d’ailleurs les projections prophétiques passées et actuelles.

Mais c’est ici que je dois mettre un terme à mes entretiens avec vous, très cher Albert. Je crois bien avoir fait avec vous le tour de l’objectif que nous nous sommes donné au départ de notre démarche. À savoir qu’il est possible de concilier, et ceci avec une créativité pleine de promesses et d’ouvertures pour la recherche de la vérité tant scientifique que religieuse, l’hypothèse de l’évolution biologique avec les données de la foi.

Bien entendu, cette démarche ne s’arrête pas là pour moi. Je n’en suis qu’au début. Mais je ne pourrais la poursuivre en faisant abstraction de ma foi. Car pour avancer plus loin, il me faudrait préalablement résoudre quelques questions que cette vision de la réalité soulève. Et il me tarde d’en venir aux admirables solutions que je garde en réserve.

Par respect pour votre agnosticisme, je me dois donc, hélas, de prendre ici congé de vous. Mais je vous invite, si le cœur vous en dit, à poursuivre votre réflexion en suivant la série d’entretiens que j’amorcerai désormais avec Ève. Cette chère personne a pour disposition première de croire formidablement en la vie. Son charisme féminin me semble une condition incontournable de la poursuite du mystère de la réalité et de la quête de la vérité à laquelle, vous et moi, nous avons attaché toute notre âme.

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Mère Teresa demeure une icône de la charité. Son amour inconditionnel de l’être humain, de la conception jusqu’à la mort, incarne le dépassement du MOI au service de l’AUTRE.
L’image du couple en amour présente l’une des évocations parmi les plus parlantes de l’univers du TOUT AUTRE au-delà de la nature humaine.
Il faudrait consacrer une volumineuse et savante recherche pour mesurer la valeur comparative des diverses religions. Siddharta Gautama (Bouddha), Confucius, Lao-Tseu, Moïse, Jésus, Mahomet ont été des initiateurs de religions qui font encore leur marque dans la culture de l’humanité d’aujourd’hui. Le­quel de ces grands hommes est parvenu à saisir pleinement le devenir de la substance vivante ?
Le titre de Fils de l’homme remonte très certainement au personnage à l’origine du christianisme. Car dans les évangiles, Jésus est le seul à s’attribuer ce nom. Ce qui indiquerait qu’il l’a utilisé pour exprimer la conscience qu’il avait de sa mission.Elle ne consistait pas uniquement à triompher de la mort mais à sauver l’humanité de l’impasse vers lequel s’achemine son Histoire.
En de très nombreux passages de ses écrits, Paul évoque le caractère communau­taire de la nouvelle voie d’évolution que Jésus débloque par son sacrifice. Et il soutient que le dessein de Dieu est « de ramener toutes choses sous un seul Chef, le Christ, les êtres célestes comme les êtres terrestres » (Ép 1, 10). Jésus est « l’aîné d’une multitude de frères » (Rm 8, 29). Ensemble, ils forment le Corps du Christ.
L’Organisme nouveau du quatrième niveau se construit au présent à l’insu du monde affairé des humains. Pendant qu’ils cheminent en titubant dans l’Histoire, cependant que leurs sociétés ont le temps de s’organiser et de se déstructurer, que leurs civilisations prennent leur essor et s’écroulent, l’Ange de la Terre, le Fils de l’homme ou le Corps du Christ se dévelppe depuis deux millénaires en planant invisiblement au-dessus de l’espace et du temps jusqu’à ce qu’il parvienne à la maturité.

3 réponses à “21- Le nouvel Organisme”

  1. D’entrée de jeu, je mentionne deux aspects du discours de Paul qui continuent de me fatiguer.

    1. Il poursuit sur sa lancée angélique. C’est dommage. Cela aboutit à une affirmation qui semble absolument hérétique : « l’Ange de la Terre, le Fils de l’homme ou le Corps du Christ se développe depuis deux millénaires en planant invisiblement au-dessus de l’espace et du temps jusqu’à ce qu’il parvienne à la maturité » (p. 254). Le Christ est le roi de l’univers et non pas l’ange de la terre, comme s’il était un ange parmi d’autres. D’ailleurs, il est dommage que notre auteur insère ici la notion temporelle de « deux millénaires ». Bien sûr, je comprends qu’il fait référence à la venue sur terre de Jésus. Mais, dans la suite de tous ces entretiens, il aurait été préférable d’introduire la notion temporelle de 14, 5 milliards d’années. Cela aurait permis d’aboutir, non pas à « l’ange de la terre » mais à l’ange de l’univers, ce qui, me semble-t-il, conclurait beaucoup mieux toute la réflexion faite avec Albert. Et si notre ami tient à présenter une thèse résolument originale et nouvelle sur les anges comme aboutissement de l’évolution, il faudrait écrire tout un livre, et non pas en faire comme un « chaînon manquant » dans la magnifique réflexion présentée ici.

    2. Notre ami Paul reprend ici dans une des approches qu’il aime beaucoup : le concordisme. Il cherche à concilier les données de la foi avec les connaissances de la science et avec les capacités de la raison humaine. Cela aboutit toujours à des résultats qui laissent perplexes. Pourtant, il dit lui-même qu’il faut un peu laisser de côté la raison pour s’ouvrir au monde de l’intuition et au langage de l’esprit.

    Néanmoins, avec Paul « je crois bien avoir fait avec vous le tour de l’objectif que nous nous sommes donné au départ de notre démarche. À savoir qu’il est possible de concilier, et ceci avec une créativité pleine de promesses et d’ouvertures pour la recherche de la vérité tant scientifique que religieuse, l’hypothèse de l’évolution biologique avec les données de la foi. » (p. 254). L’idée que l’œuvre de la création n’est pas un acte initial mais qu’il se prolonge dans le cours du temps a effectivement été bien posée par notre auteur. L’intuition finale que cela a pour conséquence qu’on peut entrevoir l’avenir de l’humanité à l’intérieur de cet acte créateur, cela aussi me semble bien posé.

    L’intuition plus audacieuse que ce devenir passe par l’amour m’apparaît fondamental. Et je trouve que Paul a, dans les derniers entretiens, cour circuité cette réflexion en y insérant des données théologique comme celle de l’ange et en voulant trop spiritualiser cette étape nouvelle. Toutes les conséquences de l’amour comme étape nouvelle de l’évolution de l’humanité mériterait d’être développées plus largement, et il n’est pas nécessaire de faire immédiatement référence aux données religieuses. Peut-être en verrons-nous quelques aspects avec Ève.

    Évidemment, l’ouverture à la dimension du Corps du Christ me réjouit et fait sens. J’ai bien hâte de voir comment il va développer davantage de volet.

    1. Tu me juges « absolument hérétique ». Ton verdict arrive un peu vite, il me semble. Tu te positionnes à une longueur d’avance de ma pensée et anticipes sur des dogmes, que j’entérine totalement, d’ailleurs, et dont il sera fait état dans la troisième partie de mon livre. C’est simplement qu’introduire ces notions à ce stade-ci de mon exposé constituerait une incohérence.
      Dans l’introduction de cet essai, j’ai souligné l’importance de faire table rase de présupposés pour se disposer à avancer pas à pas sur ce chemin de recherche. Il ne faut pas oublier que dans cette deuxième partie de mon livre, je m’adresse à un agnostique et non à un croyant féru de théologie. Pour bien recevoir cette partie du discours, on doit, en quelque sorte, se mettre dans la peau d’Albert.
      La spiritualisation
      Les entretiens avec Albert visaient à faire découvrir, par un cheminement rationnel (non théologique), la complémentarité (et non le concordisme que tu m’attribues à tort) entre science et religion, raison et foi. J’espérais ainsi l’amener au seuil de la vision chrétienne de manière à ce qu’il puisse librement s’engager ou non, en toute connaissance de cause, dans cette voie. Pour atteindre cet objectif, il a fallu démontrer que l’axe de développement de l’évolution (une notion que les militants de l’athéisme utilisent pour nier le Créateur), pointe vers un quatrième niveau de vie. J’ai nommé le processus d’acquisition de ce niveau “angélisation”, faute d’un terme plus précis pouvant relier évolution et spiritualisation.
      Tu critiques l’association que je fais de “l’Ange de la terre” au “Fils de l’homme” des évangiles et au Christ des lettres de saint Paul. Tu n’est pas d’accord pour ramener le Verbe incarné au niveau d’« un ange parmi d’autres ». Moi non plus. Ce n’est pas ce que je fais. « Le Christ est le Roi de l’univers », dis-tu. Je suis bien d’accord. Mais le fait de l’appeler aussi “Ange de la terre” n’exclut en rien une envergure universelle dont l’évocation à la lumière des Saintes Écritures reste à venir dans mon ouvrage.
      Pour la plupart de ses contemporains, Jésus était un homme « parmi d’autres ». Mais son statut d’homme n’a pas empêché que certains ont vu en lui un “fils de Dieu”. (Notons que dans la traditon juive, ce titre désigne les anges.) Jésus s’est identifié lui-même comme Fils de l’homme mais cela n’était pas pour exclure qu’il était en profondeur, le Fils unique de Dieu, le Verbe incarné, le Rédempteur du genre humain, etc, des titres que lui a attribués une première génération de disciples après l’Ascension. Pour le dire en termes logiques, moins n’est pas la négation de plus.
      C’est le cas pour l’Ange de la terre. Il s’agit d’une désignation provisoire, comme je le précise clairement dans l’entretien précédent, vers une appréhension plus vaste et englobante de la Vérité. Toutefois, pour l’assimilation de cette Vérité, il faut supposer une foi explicite dans les Saintes Écritures (notamment l’épître aux Hébreux) et une dogmatique théologiquement définie, un pas que mon interlocuteur strictement rationnel n’était pas encore prêt à franchir. C’est d’ailleurs pour cette raison que je me devais de prendre congé de lui afin de poursuivre l’exposé avec Ève, une croyante en mesure d’avancer vers une foi renouvelée.
      Cela dit, je comprends que la terminologie et le contexte d’identification de l’Ange de la terre puissent avoir un effet déstabilisant pour un point de vue traditionnel et être vus comme une surprenante nouveauté. Mais face à mon interlocuteur agnostique, je me devais de confronter la foi chrétienne aux questionnements particuliers du monde moderne qui n’ont pas d’antécédents dans la Tradition ecclésiale millénaire. Il s’agit de deux hypothèses aux antipodes concernant l’origine de l’univers : la théorie de la pluralité des mondes et la théorie du multivers.
      Pour le développement de ces hypothèses et ma réponse au défi implicite à la foi chrétienne qu’elles impliquent, je te réfère au commentaire de l’entretien précédent.

  2. Cher Nicolas, notre dernier VTPN s’est terminé un peu abruptement et m’a laissé sur ma faim. Serait-ce parce que notre heure de rencontre virtuelle s’est écoulée sans que nous ayons eu le temps de passer en revue mes réactions aux difficultés soulevées dans ton dernier commentaire ? Quoi qu’il en soit, je demeure sur l’impression d’une confrontation à des objections auxquelles je n’ai pas eu la possibilité de répondre.
    Je me propose ici d’identifier le problème de fond qui te préoccupe. Non pour imposer mon point de vue mais pour la cohérence de notre quête ensemble. Cette clarification me semble particulièrement utile à l’abordage de la troisième partie — la plus importante — qui risque de dépoussièrer plus d’un concept traditionnel et bousculer les idées préconçues.
    Je crois que la difficulté que nous rencontrons remonte au postulat à la base de nos échanges. Soit, la distinction radicale, antithéique, irréductible des deux substances : la matière et la vie. Si je ne m’abuse, tu hésites à accepter cette dualité. Tu inclinerais plutôt à ramener le fondement de notre démarche à une seule chose.
    Je comprends ton hésitation. Le dualisme philosophique a généralement mauvaise presse de nos jours ! Non sans quelques bonnes raisons. Il faut reconnaître que les philosophies idéalistes qui en découlent peuvent être déconnectées. J’ai qualifié de tels systèmes de pensée de “dualisme négatif”. « L’erreur fondamental de ce point de vue consiste à tirer de cette opposition [entre matière et esprit] un jugement moral négatif qui stigmatise la matière ».
    Dans le 8e entretien, je me démarque clairement d’une telle déviation et qualifie la base philosophique de notre recherche de “dualisme positif”. Car « la bipolarité matière et vie ne doit pas être perçu sous l’angle de l’opposition mais sous celui d’une incontournable et inexplicable complémentarité. Elle est un état de fait positif que je constate d’abord en moi et qui conditionne mon existence… La matière est bonne puisqu’elle participe à l’être que je suis » (page 101 de ton édition). J’ajoute que « l’être que je suis » est positif et essentiellement bon dans toutes ses composantes, corps, cœur, âme, esprit, etc.
    C’est peut-être par souci de prendre tes distances du dualisme classique que tu éprouves des réticences à accepter la discontinuité, illustrée dans mon ouvrage entre la Courbe M (pour matière) et la CourbeV (pour vie). Tu voudrais n’y voir qu’une seule chose. Cette chose serait enclenchée au départ par la chute entropique de la matière et révélée en son temps comme remontée ascendante de la vie.
    Je comprends ce désir de ramener ce qui existe à une chose. Car il n’y a pas deux réalités mais une seule. Toutefois, dès que nous scrutons cette réalité pour identifier ce qui la constitue, nous en venons au constat de deux faces irréductibles. Le RÉEL ne se limite pas à ce qui se trouve devant soi mais inclut la conscience qui l’appréhende. De là proviennent les identifications de la matière comme définissant ce qui est DEVANT (extériorité) et la vie comme définissant ce qui est DEDANS (intériorité). La comparaison avec une ‘médaille à deux faces’ n’est peut-être pas aussi clichée que tu pourrais le croire. Une face donnée ne peut aller sans l’autre car une médaille à un seul côté ne peut simplement pas exister. Il y a toujours un autre côté, fut-ce la négation de quelque chose, c’est-à-dire la chosification du néant.
    Cela dit, des conséquences aberrantes, au niveau de la pensée, découlent du refus de la dualité positive, que ce soit au nom de la matière ou au nom de la vie.
    D’une part, la prétention de ne voir dans le RÉEL qu’une seule chose amène de l’eau au moulin du matérialisme. Le matérialiste ne fait pas de distinction entre matière et vie. Il construit sa pensée en postulant que le RÉEL se réduit à ce qu’il observe à l’extérieur. Il ignore le volet intérieur et, au nom de l’autosuffisance de l’univers, rejette a priori l’existence d’un Dieu créateur. Le matérialisme fait le lit de l’athéisme.
    D’autre part, l’idéaliste, à l’antipode, stigmatise la matérialité. Il perçoit la condition humaine comme un effet de dégradation de l’esprit dans la matière. Le salut consiste alors à s’évader de cette prison, au mépris d’un corps voué à la corruption. Cette démarche, privilégiée par des philosophes depuis l’antiquité orientale et occidentale, s’est imposée sous diverses formes dès le début du christianisme. Mais en dépit de son association philosophique à la doctrine chrétienne, l’idéalisme pur et dur demeure un échec. Sa prétention au salut par ses propres forces (en définitive, sans Jésus-Christ) l’empêche d’entrer en dialogue avec le Créateur et constitue ainsi une forme pratique d’agnosticisme (ignorance de Dieu) parallèle au matérialisme athée. Surtout, il est incompatible avec la Révélation issue du judaïsme. Car la tradition biblique ne méprise pas la matière. Elle l’assume. Quant au corps mortel, elle ne le stigmatise pas. Au contraire, elle l’exalte comme transition historique vers la plénitude de la vie divine. La résurrection de la chair et l’avènement d’un monde nouveau à venir, libéré des convoitises matérialistes, en font foi.
    Finalement, un mot sur l’autre problème qui te chicotte, soit l’angélisation dans l’optique de la pluralité des mondes. Je te répète qu’il n’y a là qu’une hypothèse formulée en réponse à la première hypothèse. Il s’agit d’une exploration marginale à laquelle je peux renoncer sans que cela affecte la vérité universelle. Au fond, il s’agit d’un test, d’une théorie utile pouvant servir de grille d’interprétation des doctrines chrétiennes dans une perspective cosmologique.
    Plutôt que de mettre en doute la pertinence de cet exercice théorique, on devrait s’étonner ! Se réjouir du fait d’être parvenu à adresser au contexte culturel contemporain un discours parlant. Une vision apte à toucher la sensibilité de quiconque cherche la vérité d’un cœur sincère et à l’inviter à passer le seuil de l’axe de croissance spirituelle.
    C’est en étant conscients des défis redoutables de réinterprétation pour aujourd’hui de la vérité universelle — une tâche qui nous incombe — que nous pourrons nous engager dans l’étude de la troisième partie, en surmontant les obstacles du chemin qui mène du Fils de l’homme à Dieu.

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