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20- La spiritualisation

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Albert : Vous avez conclu, lors de notre dernier entretien, que l’orga­nisme du quatrième niveau serait un Ange. Là, vous exagérez. J’ai accepté de vous suivre jusqu’ici à la condition que vous mainteniez un discours rationnel. Je ne m’attendais pas à ce que vous finissiez par sombrer dans la mythologie.

— Le mythe n’est pas entièrement dénudé de fondements. En ce sens qu’il évoque une dimension qui dépasse l’humain au plan qualitatif. Certes, le langage my­thologique relève de l’imaginaire. Mais l’invention des dieux démontre l’existence d’un niveau, dit “surnaturel”, inaccessible à la conscience réflé­chie. Pour cette dernière, le monde de la conscience unifiée est en effet “surnaturel”. Il ne l’est pas toutefois pour la substance vivante elle-même. Car c’est en continuité avec les niveaux inférieurs qu’elle pénètre au quatrième.

L’on peut comprendre qu’à chaque palier de la Maison de la vie, le niveau qui est au-dessus puisse apparaître “surnaturel”. Par exemple, aux yeux de l’animal, le troisième étage est une énigme incompréhensible. L’être humain est un être “surnaturel” puisqu’il évolue au-dessus de la nature animale.

Quant à l’unicellulaire, il ne dispose pas d’organes de communication suffisamment puissants pour lui permettre d’appréhender les réalités de l’étage au-dessus. Il peut circuler dans le sang d’un multicellulaire sans saisir autre chose que les réalités de son niveau, comme les globules rouges ou blanches, les grosses molécules, etc. Et si nous lui prêtions une forme primitive de conscience, nous comprendrions qu’il ne puisse se faire une idée de l’ensemble du tissu cellulaire dans lequel il est plongé.

Il en est de même pour l’être humain. Il ne possède pas lui non plus les organes pour percevoir le monde qui est au-dessus de lui. Intuitivement, il saisit qu’il existe mais il ne peut que vaguement et confusément se faire une idée de ses contours. Et comme, selon le dicton, la nature a horreur du vide, il remplit le vide par des dieux et des fables imaginaires.

Les religions monothéistes ne parlent pas de dieux. Elles soutiennent qu’il n’y a qu’un seul Dieu. Contrairement aux divinités des mythologies, ce Dieu est radicalement distinct de l’univers puisqu’il en est le Créateur. C’est pourquoi les fonctions dévolues aux dieux des religions polythéistes sont attribuées aux anges dans le monothéisme.

— Ce qui ne prouve pas qu’ils existent.

— Je vous le concède. Mais il ne s’agit pas ici de démontrer ou non leur existence. Nous cherchons plutôt à cerner la réalité qui se cache sous ces croyances.

— Selon la théologie, si je ne m’abuse, les Anges sont des êtres spiri­tuels créés directement par Dieu. Ce qui me semble inconciliable avec votre idée de leur formation au terme d’une évolution.

— Comme vous le savez sans doute, la théologie est un discours ration­nel élaboré à partir des données de la foi. Elle décrit la nature des Anges mais ne dit rien sur le comment de leur création. Elle soutient que les Anges sont des êtres spirituels créés par Dieu à partir de rien, comme d’ailleurs toutes les autres créatures.

Lorsque le théologien s’exprime ainsi, il réfère au Créateur comme à la Cause première de tous les êtres, dont vous et moi. L’affirmation ne concerne pas les phénomènes. À ce niveau, les réalités découlent de causes produisant des effets, qui deviennent à leur tour d’autres causes produisant de nouveaux effets. L’univers est tissé de causes efficientes qui se succè­dent en une chaîne ininterrompue et que l’on peut remonter à rebours en direction de l’origine.

Toutefois, comme nous l’avons déjà précisé, la Cause première n’est pas dite telle parce qu’elle serait au début de la série des causes secondes mais parce qu’elle les transcende et les chapeaute toutes. S’il en était autre­ment, je ne pourrais affirmer, par exemple, que Dieu est mon Créateur. Car concrètement, cela semble faux puisque j’ai été engendré par mes parents. Mais Dieu est la Cause première de mon être tandis que mes parents sont la cause seconde de mon corps. Les deux sortes de causes n’existent pas sur le même plan de réalité. La Cause première est invisible. Elle se tient du côté de l’être intérieur, de l’âme. Les causes secondes, en revanche, sont bien visibles et concrètes. Elles rendent compte du corps et expliquent les phénomènes accessibles aux sens.

Donc, lorsque la théologie affirme que les anges sont des êtres spiri­tuels créés par Dieu, elle ne se prononce pas sur la manière dont cet acte créateur s’est monnayé au niveau phénoménal. Ce niveau, qui relève en définitive des sciences positives, ne concerne pas la théologie. Consé­quemment, le théologien n’a pas la compétence pour exclure la possibilité que la création des Anges ait pu survenir lors d’une étape conclusive de l’évolution : la spiritualisation.

Par ailleurs, la même théologie soutient que ces êtres spirituels que nous appelons anges épuisent leur espèce. C’est-à-dire qu’ils récapitulent dans leur être toutes les possibilités d’un genre. Ils transcendent les indivi­dualités d’une forme donnée. Ils seraient ici la synthèse d’un monde de troisième niveau. C’est précisément sur ce point que notre extrapolation du quatrième niveau rejoint la conception théologique de l’Ange. L’hypo­thèse que j’avance sous toutes réserves implique que la substance vivante s’achemine vers la synthèse angélique des consciences humaines en con­clusion du phénomène global de la vie sur notre planète.

Si l’évolution biologique poursuit son essor jusqu’à sa conclusion structurale, elle se fixera éventuellement en un esprit angélique que nous pouvons provisoirement appeler, pour demeurer dans le concret, l’Ange de la Terre. Cet Ange portera pour toujours la face de l’être humain et la hissera à un degré de beauté incorruptible pour former la synthèse immor­telle de l’humanité.

Il s’ensuit que notre planète ne produira éventuellement qu’un seul Ange. Mais c’est ici que l’hypothèse de la pluralité des mondes revêt un intérêt parti­culier. Un être spirituel transcendant aura été l’aboutissement de l’évolution partout où la substance vivante sera parvenue, lors d’un processus d’“angé­lisation”, à s’aboucher en permanence à la source originelle d’énergie.

— Si je comprends bien votre théorie, l’évolution aurait abouti partout sur d’autres planètes à la formation d’êtres spirituels en tous points semblables les uns aux autres ?

— Cette théorie n’est encore qu’une hypothèse utile pour avancer dans notre représentation du quatrième niveau de la Maison de la vie. Ce n’est pas une certitude même si elle demeure séduisante et s’avère fort féconde pour notre compréhension de la réalité universelle.

Cela dit, les Anges seraient de même nature mais pas identiques. Je m’explique. Leur structure, c’est-à-dire le tissu vivant dont ils seraient formés, serait d’une même et unique qualité, déterminée par leur appar­tenance au quatrième niveau, dont l’immortalité n’est que l’un des attri­buts. Mais au niveau de l’apparence, chaque visage angélique serait origi­nal car il serait le reflet des conditions particulières de l’évolution sur une planète donnée. Il ne répugne pas à la raison, en effet, de penser que l’évo­lution a pu produire sur diverses planètes, parvenues au stade de la cons­cience réfléchie, des organismes rationnels dont les traits seraient sensible­ment différents de ceux de l’humanité. Caractères qui se seraient répercu­tés sur la synthèse angélique conclusive.

Ce sont là évidemment des spéculations, des hypothèses non démon­trées ni même démontrables. La réalité peut être fort différente. C’est pour­quoi le fait que la théorie permette d’expliquer l’évolution dans l’optique de la pluralité des mondes n’autorise pas le rejet de l’autre option, celle voulant que la vie soit un phénomène exclusif à notre planète.

Selon ce point de vue, auquel le “principe anthropique” peut donner tout naturellement son aval, l’évolution biologique serait survenue à l’heure précise du déploiement de l’univers dans l’espace et le temps. À l’échelle des milliards d’années d’histoire cosmique, l’humanité n’aurait pas pu survenir avant l’heure présente… ce qui pourrait indiquer que l’humanité soit seule dans l’univers car tout a été ordonné pour sa survenance.

Mais même dans cette optique, ma théorie d’“angélisation” demeure valable. Nous pouvons quand même présumer que l’évolution de la vie sur notre planète aboutira au résultat que nous avons dit. Soit, celui d’un orga­nisme immortel, vainqueur de l’entropie de la matière.

Je dois cependant faire remarquer, dans ce cas, qu’il faut renoncer à saisir la genèse phénoménologique des Anges et se contenter des spécula­tions théologiques classiques à leur propos. Ils seraient des créatures à part de l’économie universel. Inutile d’essayer de comprendre, leur genèse. Elle correspondrait à des critères inconnus et inconnaissables qui demeure­ront inaccessibles à notre niveau. Pour cette raison, je privilégie la thèse de la pluralité des mondes. Car elle s’accorde mieux avec le concept d’un unique univers (permettez la redondance) qui englobe véritablement tout ce qui existe.

— Quant à moi, je demeure perplexe au sujet du processus de spiritua­lisation ou d’angélisation, comme vous l’appelez. Comment un esprit peut-il émerger de la matière ? N’avez-vous pas soutenu jusqu’ici qu’esprit et matière sont d’incompatibles antinomies ? N’y a-t-il pas ici contradiction ?

— On rencontre le même paradoxe dans tous les organismes. Ne sont-ils pas faits d’un alliage de matière et de vie ? Les deux substances sont lancées sur des trajectoires contraires mais il faut bien qu’elles se croisent fortuitement pour autoriser l’existence d’organismes vivants.

Il m’apparaît essentiel que le lien entre les deux substances soit main­tenu jusque dans l’organisme angélique. Car une évolution qui se ferait au prix d’une extraction de la matière me semblerait une forme d’échec. Plutôt que de parvenir à une victoire sur l’entropie de la matière, elle s’en évaderait en se désincarnant. Ce qui équivaudrait à une forme de suicide pour la substance vivante.

Il ne faut pas oublier que le tissu de l’être angélique est constitué par des consciences comme les nôtres. Or, la conscience que nous avons d’être ne provient pas d’un organe particulier. S’il est vrai que notre cerveau est le siège de la rationalité, il demeure que c’est par tous les tissus de la chair que nous accédons à la conscience d’être. Une conscience sans le corps serait incomplète car elle ne permettrait pas de communiquer avec la maté­rialité du monde, donc avec la moitié du réel.

Il est inévitable que la spiritualisation de la substance vivante implique la dimension corporelle des consciences humaines. On doit toutefois comprendre que cette “corporéité” devra être transformée et transfigurée de sorte que la chair corruptible en devienne évanescente. L’on peut donc conjecturer que la dimension matérielle qui participe à la structure angé­lique est si subtile qu’elle n’est pas perceptible à notre niveau. C’est pour­quoi ni nos sens ni les instruments scientifiques que nous inventons pour les prolonger ne sont en mesure de détecter un tel tissu qualifié de spirituel.

— J’ai toujours pensé que l’Ange — selon des conceptions religieuses que je n’ai jamais admises parce qu’elles m’apparaissent dénudées de réalisme — était un pur esprit absolument distinct du monde matériel. Si votre conception me semble plus compatible avec une approche scientifique, ne craignez-vous pas qu’elle entre en conflit avec votre propre foi ?

— Cher Albert, je n’avais pas au départ de nos échanges l’intention de m’appuyer sur des sources religieuses par crainte qu’un tel recours com­promette la cohérence rationnelle de notre démarche. Mais puisque vous m’interpellez en regard de ma foi, tout agnostique que vous vous considé­riez, je consens à ouvrir ici une parenthèse au risque d’un accroc à la con­tinuité du discours que j’élabore avec vous.

Les hypothèses développées autour du scénario de la pluralité des mondes n’ont pour moi rien de dogmatiques. Il s’agit d’une exploration marginale que je ne considère pas définitive et que je suis prêt à réviser, ou même à renier, s’il est démontré que ces explorations rationnelles s’avè­rent fausses ou inconciliables tant avec des doctrines religieuses classiques qu’avec d’éventuelles données scientifiques nouvelles.

Cette réserve étant faite, il reste que la thèse de l’angélisation me sem­ble tout à fait compatible avec les religions monothéistes. Le fondement de cette compatibilité se trouve dans la doctrine de la résurrection de la chair, soutenue par le judaïsme, le christianisme et l’islam. Pour ces religions, le salut de l’homme serait incomplet s’il ne concernait que la psyché, le prin­cipe vital, l’âme. Elles enseignent qu’à la fin des temps, il y aura résur­rection de la chair de tous les humains depuis l’origine. Selon ces religions, les hommes reprendront vie dans le corps qu’ils avaient durant leur vie terrestre, mais un corps spiritualisé qui, de mortel et corruptible qu’il était, passera à l’immortalité et l’incorruptibilité dans la vie céleste.

Dans sa première épître aux Corinthiens, Paul évoque cette transforma­tion. Il faut lire tout le passage du chapitre 15, versets 35 à 56 — dont je cite ici des extraits — pour se rendre compte jusqu’à quel point la thèse de l’angélisation rejoint l’Écriture.

Mais, dira-t-on, comment les morts ressuscitent-ils ? Avec quel corps re­viennent-ils ? (…) Toutes les chairs ne sont pas les mêmes, mais autre est la chair des hommes, autre la chair des bêtes, autre la chair des oiseaux, autre celle des poissons. Il y a aussi des corps célestes et des corps terrestres, mais autre est l’éclat des célestes, autre celui des terrestres. (…) On est semé corps psychique, on ressuscite corps spirituel. (…) Il faut en effet que cet être corruptible revête l’incorruptibilité, que cet être mortel revête l’immortalité.

En distinguant entre diverses chairs, « autre est la chair des hommes, autre la chair des bêtes », l’Apôtre implique des niveaux qualitatifs diffé­rents. Ce que confirme l’allusion à la transparence, à la luminosité des corps futurs : « autre est l’éclat des célestes, autre celui des terrestres ».

Dans sa réponse à une objection des Saducéens — une secte qui ne croyait pas à la résurrection des corps — Jésus évoque cette transformation radicale qui élèvera le corps humain au niveau de la substance corporelle des Anges. « À la résurrection, en effet, on ne prend ni femme ni mari, mais on est comme des anges dans le ciel » (Mt 22, 30). Cette parole de Jésus non seulement autorise la foi que les humains sont destinés à revêtir une “corporéité” angélique mais on peut aussi en induire la possibilité que chaque Ange a pu être “incorporé” (créé) par un processus semblable à la résurrection de la chair vers laquelle chemine notre humanité. Il est dit ailleurs dans la Bible que les Anges, tout spirituels qu’ils soient pour nous, sont chair (c’est-à-dire matière) au regard de Dieu. Ce qui laisse entendre que la distance entre la corporéité des Anges et un Esprit divin absolu­ment dépourvu de toute matérialité est aussi grande qu’entre la corporéité des hommes et celle des Anges.

L’on peut donc conclure de ces passages que la thèse de l’angélisation ne présente rien de nouveau pour la foi. Ce qui est nouveau dans la présen­tation que j’en ai faite, c’est le contexte dans lequel elle est évoquée, soit celui de l’évolution biologique.

— Justement, votre incursion dans les Écritures ne trahirait-elle pas une intention cachée de votre recherche ? À savoir que votre discours rationnel serait élaboré subrepticement en référence à des présupposés religieux dans le but de les imposer !

— Votre critique est sérieuse. Si je vous saisis bien, vous remettez en cause la sincérité de ma démarche. Je me référerais secrètement à un sché­ma religieux préexistant que je traduirais en discours en apparence ration­nel. C’est bien ça, n’est-ce pas ?

J’admets que je n’ai pas de forts arguments à invoquer à ma défense. Il me semble pourtant que cette difficulté peut être levée, au moins en partie, si nous accordons à la dimension religieuse un statut de connaissance. Non une connaissance scientifique mais une connaissance intuitive, par défini­tion même difficile à circonscrire avec des mots. Et faute d’un langage adéquat, on l’habille plus ou moins bien avec les symboles d’une culture particulière et des expressions transmises par tradition.

Pour répondre à votre objection, même si nous n’accréditons pas la connaissance religieuse, je témoigne que la croyance n’est pas le premier point de référence de ma démarche. Ce que j’ai appris sur le réel en cher­chant la vérité ne m’a jamais été imposé de l’extérieur. Je ne l’ai pas trouvé dans les livres. Personne ne me l’a enseigné et je n’ai subi aucune influence d’institutions du savoir ou d’une religion.

En réalité, je n’ai jamais accepté une doctrine de foi avant d’avoir préa­lablement vérifié sa concordance avec la connaissance de la réalité à partir de laquelle je bâtis ma démarche. Cette connaissance m’est venue sous la forme d’une intuition intellectuelle qui a surgi spontanément dans mon esprit comme un “flash” inépuisable de profondeur, une inspiration non encore traduite en concepts. Ce n’est que secondairement que je l’articule en vérifiant son bien-fondé au même titre que vous, tant dans le monde objectif que dans la dimension subjective de l’intériorité. En d’autres mots, dans un premier temps je fais l’analyse de la réalité globale telle que je la conçois et, dans un deuxième temps, je confirme sa véracité en la confron­tant aussi bien aux doctrines religieuses qu’aux connaissances scientifi­ques. Ce procédé me semble tout à fait honnête. Que diriez-vous que nous le mettions désormais en application ?

— Pourquoi spécifiquement à partir de maintenant ?

— Parce que nous explorons une dimension — le quatrième niveau — pour laquelle la rationalité n’est pas bien adaptée. Elle peut facilement s’y égarer car le monde de l’esprit lui est étranger. Comme nous l’avons déjà constaté, la rationalité est ordonnée au terrestre. Elle a donc besoin d’être guidée pour s’y retrouver et avancer dans la dimension spirituelle. Et à cet égard, les connaissances religieuses, qui sont spécifiquement concernées par ce niveau, peuvent nous servir de référence, de balises. Il nous faudra toutefois les décoder pour les adapter au langage de notre recherche afin de bien saisir les réalités qu’elles évoquent par des symboles, des rites, des doctrines.

— Comment s’y retrouver avec le foisonnement des doctrines ?

— Il ne s’agit évidemment pas d’inventorier le parcours religieux de l’humanité pour tenter de démêler l’inextricable écheveau des religions de l’Histoire. Comme préalablement, nous poursuivrons notre recherche en faisant appel aux ressources de la raison et, s’il y a lieu, nous consulterons les seules doctrines qui viennent confirmer la valeur de nos énoncés.

L’analyse de la structure de la connaissance peut faire ressortir l’éclai­rage que pourra apporter une telle démarche. J’ai illustré le processus de la connaissance par quatre cercles concentriques enveloppant, par couches successives de plus en plus vastes, l’intériorité des organismes aux divers niveaux de la Maison de la vie (voir l’illustration gra­phique cidessous, intitulée Structure de la connaissance).

1- Au premier cercle, la connaissance de la réalité se limite au contact direct, celui de la chair vivante, avec l’extérieur. Il correspond au niveau des animaux unicellulaires. À l’intérieur de l’enveloppe charnelle, le monde extérieur est connu directement par contact. Je sais que les choses existent parce que je peux en vérifier la tangibilité par mon corps. Il n’existe aucune distance physique entre le sujet connaissant et ce qui est connu. Le toucher, la tactilité est la clef maîtresse de cette connaissance.

2- Le deuxième cercle correspond au monde des multicellulaires. Ici, ce sont les autres sens qui s’ajoutent au contact direct pour générer la con­naissance sensorielle ou sensible. La vue, l’ouïe, l’odorat permettent de connaître des réalités qui sont plus ou moins éloignées. En introduisant une distance physique entre les réalités connues et le sujet connaissant, les sens transcendent le contact direct et décuple le nombre de qualités perceptibles dans les choses, élargissant ainsi considérablement le champ de la conscience. En plus de connaître par le toucher la rugosité du tronc de l’arbre, la vue permet de saisir la forme de tout l’arbre, sa couleur, sa taille, etc.

3- Au niveau de la conscience réfléchie, la connaissance sensible est à son tour transcendée par la connaissance rationnelle. La raison permet de dégager des perceptions sensorielles les caractères communs des choses, de sorte que la conscience peut affirmer que telle perception est un arbre, et un arbre de telle espèce particulière. Les sens peuvent capter l’image d’un arbre mais pas du genre arbre ; ils peuvent saisir les contours d’un sapin mais pas son essence. La distance qui est creusée entre les réalités et la conscience par l’exercice rationnel dépasse l’aspect physique des réalités et englobe aussi l’espace et le temps terrestres pour permettre l’accès aux concepts d’espèces, de catégories, de genres, de formes, de substances, etc.

4- Ce qui nous amène au quatrième cercle qui correspond à la cons­cience unifiée ou universelle. Une nouvelle distance est creusée entre le réel et la conscience pour englober non seulement le terrestre mais le céles­te ou spirituel, soit l’univers tout entier. Cette distance est paradoxale puis­qu’elle n’est plus uniquement extérieure mais comprend aussi la dimension intérieure. Elle est quantique en ce sens qu’elle inclut l’observateur. La conscience parvient à ce niveau en étant réceptive à l’être. L’arbre qui est là devant moi n’est plus simplement un sapin parmi d’autres. Il possède l’être. Plutôt, il est possédé par l’être comme d’ailleurs tout ce qui existe car c’est de l’Être par excellence que toutes les réalités tirent leur qualité d’être. Cette connaissance spirituelle ou universelle englobe et interpelle l’être que je suis. Elle me charge d’une responsabilité. Elle me lance dans les voies de l’esprit où je dois assumer mon destin personnel, plongé que je suis en esprit dans l’Être universel. L’Esprit est à la fine pointe de toute intelligence de la réalité. Il est la clef maîtresse de la connaissance universelle du quatrième niveau.

— Vous soutenez que la conscience d’être donne accès à la connais­sance spirituelle du quatrième étage. Ne devrions-nous pas alors con­clure que les humains ont déjà atteint ce niveau puisque la plupart sont conscients d’exister ?

— Vous avez raison de présumer que le quatrième palier puisse être déjà amorcé dans l’humanité. Toutefois, lorsque j’invoque ici la conscience de l’Être, je fais allusion à une expérience beaucoup plus profonde que le simple constat d’être un moi plongé au milieu des réalités du monde. Cette expérience de l’Être avec une majuscule n’est pas commune à tous les humains bien qu’elle soit accessible à tous. Il semble que le grand nombre vit et meurt sans s’être confronté à l’interpellation que constitue l’Être en soi.

Remarquons que ce questionnement est implicite à une démarche reli­gieuse authentique. Je dis authentique parce que je ne veux pas faire allu­sion ici à des comportements religieux calqués sur des conformismes so­ciaux. Je réfère plutôt à une prise de conscience déterminante qui donne sens et orientation à toute une vie, à l’expérience bouleversante de con­version à l’intériorité qui peut survenir chez une personne en recherche de la vérité.

La conscience de l’Être, en effet, répond aux grandes interrogations existentielles. Elle résout positivement l’énigme de la réalité et la raison d’être de l’univers. Les réponses qu’elle apporte aux grands questionne­ments de la quête humaine sont tout naturellement d’inspiration religieuse. Car en bout d’analyse, la réalité ne peut avoir de sens que par le postulat de l’existence de Dieu. La raison en est que nous ne nous donnons pas l’être, et personne n’a le pouvoir d’attribuer l’être à des réalités con­tingentes.

Paradoxalement, l’absoluité de l’être se manifeste en nous dans la fra­gilité, la vulnérabilité, la dépendance. Être conscient d’être, c’est donc prendre conscience d’un don gratuit. Un don qui ne peut venir que de l’Absolu, l’Être Suprême, qui seul a le pouvoir de se donner l’Être à Lui-même et de le partager.

— La conscience spirituelle contraindrait à reconnaître l’existence de Dieu ?

— Dans la foulée de la conscience de l’Être, il n’y a que deux options possibles. Ou la réalité a un sens qui est déterminé par l’existence de Dieu, ou tout est absurde, Dieu n’existe pas et rien n’a de sens. Cette dernière option s’annule d’elle-même, si elle est conséquente. Car l’absurdité de tout doit forcément englober le constat de l’absurdité. L’intelligence qui clame le non-sens se renie elle-même en refusant toute intelligibilité.

Mais avant de se saborder, le constat de l’absurdité se confronte au néant. C’est le choix du non-être. L’angoisse qui en résulte constitue la forme la plus extrême de mort qui se puisse concevoir, la mort de l’esprit. Cette mort contre laquelle la substance vivante est en lutte depuis l’origine. L’option de l’absurdité marche à l’encontre de la chaleur de la vie, contre toute beauté existentielle. Elle s’inscrit dans la trajectoire de l’entropie, dans la chute vers l’opacité, la dureté, la lourdeur, le froid, l’obscurité, là où la matière s’engouffre à l’infini.

Cependant que l’option d’accueillir l’Être par excellence répond positi­vement à la poussée de la substance vivante. Ce fluide vital qui aspire les organismes dans son ascension vers la transparence, la luminosité, la légè­reté, la sérénité, l’épanouissement, la beauté, la joie, l’immortalité. Que cette expérience soit articulée en langage philosophique ou qu’elle soit implicite à une démarche religieuse, elle débouche sur une perspective nouvelle.

L’éveil à l’Être constitue un seuil que l’humain peut franchir pour se dépasser. Il est à l’amorce de la marche de l’être humain sur la route de l’évolution où il devra subir des transformations radicales, non pas organi­ques mais psycho-spirituelles, afin qu’il puisse s’adapter au monde de la con­science unifiée ; plus encore, afin qu’il puisse participer à la victoire éven­tuelle de la substance vivante sur l’entropie de la matière et à la capture de l’objet qu’elle convoite depuis l’origine de la vie sur la Terre, soit de s’abou­cher à l’indéfinissable et ultime Réalité d’où jaillit la source primordiale d’énergie donnant forme à l’univers.

Mais c’est ici que la liberté caractéristique du troisième niveau entre en jeu. On peut hésiter à franchir le portail d’entrée du quatrième niveau. Il demeure possible de refuser de faire un pas vers l’inconnu de la vie à venir.

Un tel retrait implique cependant un recul. Un retour aux schémas plus ou moins conscients de l’impasse vécue au troisième. Il fait craindre un repliement sur le moi problématique. Par lui-même, le moi est incapable de résoudre positivement l’énigme de son existence. Un moi qui, en défini­tive, n’aura alors plus d’autre option que de se rejeter sur les valeurs issues de la matérialité du monde, les trois convoitises — le pouvoir, l’avoir, le plaisir — se détournant ainsi de la croissance verticale de la substance vivante avec ses lancinants appels à la croissance évolutive.

— Le passage du troisième au quatrième niveau impliquerait donc le renoncement ascétique au monde ?

— Un “sacrifice” est en effet inévitable mais s’agit-il bien du monde en lui-même ? Souvenons-nous que chaque passage antérieur d’un niveau à l’autre a réclamé le sacrifice d’une certaine forme structurale en vue de la synthèse supérieure. Au deuxième palier, l’instinct a dû être sacrifié pour “sauver” la structure animale du cul-de-sac évolutif. L’instinct déterminait infailliblement le comportement selon les paramètres de l’héritage généti­que. Son éclatement a occasionné une libération des contraintes liées à l’appartenance à une espèce.

Un comportement désormais déterminé par les délibérations du libre arbitre a pour effet corollaire l’émergence de l’“individuation” de la sub­stance vivante. Car dans le vide laissé par l’éclatement de l’instinct se cons­titue graduellement la structure intérieure du MOI. Au troisième niveau, donc, l’énergie vitale passe par le développement du MOI. Ainsi, la crois­sance de la personne en devient conditionnée par une perspective sur le monde extérieur qui a le MOI comme point de départ et centre gravitationnel.

Pour permettre l’élaboration de la personnalité, la force évolutive im­pose donc un égocentrisme structural. Tant que la personnalité est en crois­sance et construit sa place au soleil social de l’humanité, l’énergie vitale est aspirée par le MOI. La structuration du MOI a été absolument nécessaire au développement de la substance vivante au troisième palier, c’est-à-dire pendant le développement préhistorique et historique du genre humain.

Mais une fois que la planète devient saturée de MOI qui se font une com­pétition de plus en plus féroce et qu’il reste peu d’espace disponible dans la société humaine pour qu’ils puissent se développer et s’épanouir, une structure nouvelle doit surgir pour “sauver” l’humanité de l’impasse. Le MOI doit à son tour céder la place centrale qu’il occupait jusque-là pour permettre le passage au quatrième palier. Il doit se dépasser pour accéder à une vie nouvelle.

— Par quel biais l’évolution pourra-t-elle alors se poursuivre ? Par quel terme pourrait-on identifier cette nouvelle structure vitale ?

— Certes, là encore nous avançons dans un monde pour lequel la ratio­nalité n’est pas proprement adaptée. Les mots sont impuissants à évoquer l’ampleur du sens des réalités de ce niveau. Je risque tout de même un concept qu’il faut toutefois élargir considérablement pour lui donner une application universelle. Le principe par lequel peut se poursuivre l’évolu­tion, c’est l’AUTRE. C’est-à-dire qu’à la place du MOI autour duquel toute la réalité humaine gravite, l’amour de l’AUTRE devient le centre à partir duquel se poursuit la croissance. Le MOI doit se perdre au profit de l’AUTRE pour être “sauvé”.

— Que voulez-vous dire ? Qu’entendez-vous par cet autre ?

— Lors du passage du monde des unicellulaires à celui des pluricellu­laires, nous avons évoqué la perte d’autonomie de la cellule individuelle au profit du pluricellulaire. Nous avons également soutenu qu’en dépit de cette perte d’autonomie, l’identité cellulaire se trouvait à être “sauvée” de la matérialisation et propulsée vers une plus haute qualité de vie par son intégration à la structure pluricellulaire.

Eh bien ! nous sommes ici confrontés au même scénario mais appliqué cette fois au passage du monde de la conscience réfléchie à celui de la conscience unifiée. À la place de l’autonomie cellulaire, c’est le moi qui est ici “sacrifié” pour permettre l’accès au quatrième. L’intégration à la nouvelle structure “sauve” la personne et la propulse à un niveau vital ulti­me que ne pourrait jamais atteindre un moi isolé, souvent égaré dans les dédales sans issue de la matérialisation. Cet AUTRE, c’est tout ce qui, dans le monde humain, n’est pas MOI. Il comprend donc son semblable ou, pour rejoindre la conception biblique, son prochain. Il réfère aussi au Tout Autre. C’est-à-dire à l’Absolu avec qui s’établit une relation de recon­naissance, un rapport de dépendance, un dialogue de l’être fini à l’Être infini.

Mais par-dessus tout, l’amour de l’autre implique la mise en place d’un principe nouveau. Il implique l’unité de toutes les consciences qui entrent dans la formation de l’Organisme ultime, le produit final et permanent de l’évolution au sommet du quatrième palier de la Maison de la vie.

Dans cet organisme immortel, chaque conscience humaine participe à l’unité d’un corps formé de myriades d’unités conscientes. Les “cellules” de ce corps conservent leur identité propre et remplissent une fonction qui relève de leur type de structure spirituelle tout en étant animées par une seule et même Vie, un seul et même Esprit. L’AUTRE dont il est ici question, c’est la nouvelle entité vivante par laquelle les “cellules” humaines vivent et sont “sauvées”. Elles sont toutes abouchées à une même et unique source, celle de l’Esprit divin. Elles convergent en un faisceau de consciences pour former un esprit unique : la conscience unifiée ou universelle.

Pour participer à la croissance du Nouvel organisme, l’être humain est appelé à renoncer au déterminisme égocentrique du MOI. Il doit s’ouvrir à une perspective axée sur l’AUTRE de manière à secréter le ciment unifica­teur grâce auquel se bâtit l’Ange de la Terre : l’amour. Ici encore, la faculté de synthèse de la substance vivante est en scène. C’est elle le maître de l’Œuvre ultime. Ici se révèle ce qu’elle est : une puissance d’amour. Une force unifiante qui rassemble les éléments dispersés aux quatre vents entropiques de l’espace et du temps pour que vibre toujours plus intense la palpitation chaleureuse de la vie.

— Que deviendra la liberté à la suite de l’éclatement de la structure du moi, dont elle a pourtant émergé, selon votre théorie ? Je ne vois pas comment la liberté pourrait survivre au processus présumé d’incorpo­ration angélique !

— Plutôt que d’imaginer un éclatement de la structure du MOI qui impli­querait une perte violente d’identité, nous devrions parler de “dépasse­ment”. Car le déplafonnement du monde de la conscience réfléchie n’abo­lit pas les consciences individuelles. Le changement du contexte vital fait toutefois que la conscience ne s’identifie plus au versant matériel et exté­rieur constitutif du MOI. Elle s’ajuste plutôt au versant vie dont la cons­cience personnelle émerge, enracinée qu’elle est dans la dimension de l’être.

Quant à la liberté, vous vous souviendrez sans doute que nous avons déjà fait la distinction entre la liberté absolue et la liberté relative. La liberté absolue concerne la possibilité morale d’étancher la soif de vie en la Source vitale vers laquelle la substance vivante propulse les humains. Tandis que la liberté relative permet de faire des choix entre les diverses options qui se présentent dans le monde terrestre.

L’on peut comprendre que lors de l’incorporation angélique, il n’y ait plus la possibilité d’opter pour des biens de diverses valeurs. Lorsque le Bien absolu est possédé, soit l’immortalité et la jouissance infinie d’Être, les choix accessoires de la vie terrestre sont effectivement abolis. Leurs valeurs relatives n’ont plus de pertinence. La perfection étant réa­lisée, il n’y a pas à choisir moins que ce qui est le sujet ultime et final de la liberté. Le processus d’angélisation, c’est le sommet de l’univers. C’est la création tout entière parvenue au comble de la joie et de l’exaltation, de la paix infinie, de la liberté sans limites.

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Le mythe n’est pas entièrement dénudé de fondements. Il évoque une dimension qui dépasse le niveau humain. Intuitivement, l’être humain sait qu’existe un monde au-dessus de celui dans lequel il est plongé mais comme il ne peut pas le percevoir et que la nature a horreur du vide, il remplit ce vide par des dieux et les fables imaginaires des mythologies.
Les religions monothéistes ne parlent pas de dieux. Elles soutiennent qu’il n’y a qu’un seul Dieu. Contrairement aux divinités des mythologies, ce Dieu est radicalement distinct de l’univers puisqu’il en est le Créateur. C’est pourquoi, dans le monothéisme, les fonctions dévolues aux dieux des religions polythéistes sont attribuées aux anges.
Selon le “principe anthropique” formulé par l’astrophysicien Brandon Carter, l’univers possède, dès le début et tout au cours des milliards d’années de son Histoire, tous les paramètres requis pour l’émergence de l’humanité.
Le “principe anthropique” peut donner tout naturellement son aval à l’interprétation voulant que la vie sur la Terre n’aurait pas pu survenir avant l’heure présente… ce qui pourrait indiquer que l’humanité soit seule dans l’univers puisque que tous les paramètres et conditions ont été réglés en fonction de son émergence.
Le graphique, intitulé Structure de la connaissance, illustre le processus de la connaissance par quatre cercles concentriques enveloppant, par couches successives de plus en plus vastes, l’intériorité des organismes aux divers niveaux de la Maison de la vie.

2 réponses à “20- La spiritualisation”

  1. La spiritualisation de la substance vivante (ou angélisation) résoud positivement deux hypothèses aux antipodes concernant l’origine de l’univers : la théorie de la pluralité des mondes et la théorie du multivers.
    Ces théories indémontrables à ce jour, visent à répondre à une question qui hante le monde scientifique à la suite des grandes découvertes de notre époque : soit que l’univers a commencé à exister, il y a 13,7 milliards d’années et que des paramètres fondamentaux d’une précision vertigineuse ont réglé son existence ; et encore, que la vie est apparue sur la Terre il y a 3,8 milliards d’années et a évolué en se complexifiant à partir de cellules vivantes microscopiques.
    Ces débuts absolus de la matière et de la vie soulèvent un problème de logique. Les sciences postulent en effet qu’il n’y a pas d’effet sans cause et que tout ce qui existe, de quelque niveau que ce soit, doit nécessairement avoir une cause. Qu’est-ce donc, demande-t-on, qui a pu enclencher le processus de formation des immences réalités du cosmos ainsi que le foisonnement mirobolant des formes vivantes sur notre planète ?
    Les deux hypothèses précitées se veulent des réponses… bien qu’elles ne font que surseoir au problème. Car il s’avère que la question relève de la philosophie et non des sciences. Pour la plupart des gens, toutefois, il ne peut y avoir qu’une seule réponse : l’univers existe parce qu’il est l’œuvre du Créateur. Mais ceux qui considèrent la réalité sous l’angle exclusif de la matérialité refusent d’invoquer une Cause transcendante. Car le recours à Dieu, arguent-ils, ne permet pas de faire avancer d’un cran la quête de connaissances objectives.
    Face à ces développements théoriques, qui pourraient un jour être confirmés, le croyant est interpellé. À savoir si ces hypothèses remettent en question certains dogmes de foi, comme celui du péché originel, de l’incarnation du Fils unique de Dieu, de la Rédemption du genre humain, etc. Ces articles de foi seraient-ils partout valables et vécus dans tous ces mondes présumés ? Dieu se serait-Il incarné dans chacun de ces mondes et Jésus aurait-il dû être sacrifié sur une croix pour les sauver ?
    Ces questions sont aujourd’hui incontournables et c’est ici que la spiritualisation de la substance vivante (ou angélisation) leur apporte une solution positive et ouverte sur l’incommensurable grandeur de l’œuvre du Créateur.
    La pluralité des mondes
    L’hypothèse de la pluralité des mondes se fonde sur les évidences de l’évolution biologique. Les tenants de cette théorie postulent que la vie est issue de l’organisation de plus en plus complexe de la matière. Il suit de ce postulat que la vie a pu se développer sur d’autres planètes favorables à son émergence. Et si la vie sur notre planète a su produire les êtres intelligents que nous sommes, il y a de fortes chances qu’il existe des êtres intelligents comme nous sur des planètes dont les conditions seraient comparables à la nôtre.
    Dans les milieux scientifiques et sociopoliques, cette hypothèse est prise sérieusement. La preuve en est que dans certains pays l’on dépense des millions pour entrer en contact avec d’hypothétiques mondes extraterrestres et même, dans la foulée de l’exploration spatiale, pour parvenir un jour — on ne sait jamais — à explorer des exoplanètes de notre galaxie.
    Le multivers
    Le fait que l’angélisation permette d’éclairer l’évolution dans l’optique de la pluralité des mondes n’autorise pas le rejet de l’autre option, celle voulant que la vie soit un phénomène exclusif à notre planète. Selon ce point de vue, auquel le “principe anthropique” de l’astrophysicien Brandon Carter peut donner son aval, l’avènement de l’intelligence serait survenu sur la Terre à l’heure actuelle précise du déploiement de l’univers dans l’espace et le temps. À l’échelle des milliards d’années d’histoire cosmique, l’humanité n’aurait pas pu survenir avant l’heure présente… ce qui indiquerait que l’humanité est seule dans l’univers car tout a été ordonné pour sa survenance.
    Ce scénario, qui s’accorde bien avec le point de vue anthropocentrique traditionnel, a donné naissance dans les milieux scientifiques à l’autre hypothèse concernant l’origine. La théorie du multivers (contraction de “multiple” et “univers”), qui fait le bonheur des auteurs de science-fiction, présume qu’il existerait un nombre infini d’univers parallèles au nôtre, tous survenus “par hasard”.
    Nous ne pouvons pas détecter et communiquer avec ces bulle d’univers parce que chacun détiendrait ses propres paramètres fondamentaux étrangers les uns des autres. Toutefois, avancent les auteurs de cette théorie — que des scientifiques de haut niveau en viennent à considérer sérieusement sans doute parce qu’elle renvoie commodément la question du Créateur aux calendes grecques — peut-être qu’un jour la science parviendra à déboger la communication entre ces multiples univers présumés.
    Mais même dans cette optique, ai-je écrit dans l’entretien précédent, « ma théorie d’“angélisation” demeure valable. Nous pouvons quand même présumer que l’évolution de la vie sur notre planète aboutira au résultat que nous avons dit. Soit, celui d’un organisme immortel, vainqueur de l’entropie de la matière ».
    Une réserve
    Je tiens à souligner fortement la réserve que j’ai émise lors de l’entretien antérieur au sujet de ces deux théories. « Les hypothèses développées autour du scénario de la pluralité des mondes (et du multivers) n’ont pour moi rien de dogmatiques. Il s’agit d’une exploration marginale que je ne considère pas définitive et que je suis prêt à réviser, ou même à renier, s’il est démontré que ces explorations rationnelles s’avèrent fausses ou inconciliables tant avec des doctrines religieuses classiques qu’avec d’éventuelles données scientifiques nouvelles. »
    Il demeure, cependant, que ces “explorations marginales” sont utiles pour la suite des choses. Car derrière ce débat entre les deux hypothèses soi-disant scientifiques se profilent deux scénarios théologiques possibles concerrnant l’angélisation :
    ou la création des anges par le Créateur a lieu à l’intérieur de l’économie du seul univers dans lequel nous sommes plongés et éclaire le scénario de la pluralité des mondes ;
    ou la création des anges a lieu, en quelque sorte, hors de notre univers et éclaire l’hypothèse du multivers. Chaque ange dans ce cas correspondrait à un univerrs fermé sur lui-même dont la genèse nous serait absolument inacceessible.
    Il est intéressant de noter que dans les deux cas, il n’y a pas de possibilité de communication entre ces Super-consciences et notre niveau vital de la CONSCIENCE RÉFLÉCHIE. Mais lors de l’entrée de l’humanité dans l’ère de la CONSCIENCE UNIFIÉE OU UNIVERSELLE, cette incommunicabilité pourra être graduellement abolie jusqu’à rendre possibles au quotidien les relations entre les anges et les humains.

  2. Le tableau de « la structure de la connaissance » à la page 240 est super intéressant. Il présente une approche originale du déploiement de la connaissance qui aboutit à deux conclusions très précieuses pour moi.
    La première rejoint ce que je rappelle souvent : l’intelligence (ici la rationalité) humaine n’a pas pour fonction de chercher la vérité mais de protéger l’individu. C’est l’esprit qui cherche la vérité. Et donc, c’est uniquement lorsque la personne s’ouvre à l’esprit qu’elle entreprend une authentique quête de vérité.
    L’autre élément arrive plus loin et vient dans le prolongement de l’illumination de la conscience. Il s’agit, évidemment, de l’amour de l’autre. Le lien que notre auteur fait entre l’amour et la conscience unifiée est fort intéressant et fort à propos. Il pose les bases de ce que nous appellerons, en langage chrétien, la « communion ». C’est à la fois la prise de conscience que nous participons tous du même Être et le choix de collaborer à l’instauration de ce que nous sommes. Enfin, il y aurait tant à dire. J’imagine que les prochains entretiens nous permettront d’y revenir.

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