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16- Le monde de la conscience réfléchie

Albert : J’imagine qu’elle a subi une nouvelle crise de croissance.

— Exactement ! Nous nous confrontons ici au même scénario décrit lors du passage des unicellulaires aux pluricellulaires. Vous vous souvenez que l’augmentation de la pression vitale à l’intérieur du premier monde a pro­voqué un éclatement des limites structurales des unicellulaires. Un dépla­fonnement qui a introduit la substance vivante dans un nouveau monde et lui a donné une impulsion formidable à une autre échelle de grandeur.

Donc, voici que le deuxième palier de la Maison de la vie atteint à son tour l’état de saturation. Toutes les niches de l’écologie planétaire sont habi­tées par des espèces adaptées à un secteur particulier de l’environnement. Dans toutes les directions, dans la mer, sous terre, sur terre, dans les airs, une pléthore d’espèces prolifèrent. Chacune a développé des organes appro­priés pour assimiler la nourriture et maintenir sa domination sur un terri­toire. Tout est occupé. Tout est rempli.

La conséquence de cette saturation, c’est qu’il ne reste plus d’ouverture à la substance vivante pour explorer de nouvelles formes. Il se fait comme un arrêt dans l’évolution. Pratiquement plus rien ne peut bouger. C’est l’impasse.

— Et pourtant, nous avons déjà convenu que le fluide vital ne peut pas s’arrêter en cours de route dans sa montée.

— En effet ! La vie est un dynamisme sans rupture, comme nous l’avons dit, une force en état constant d’exercice, une énergie qui jaillit perpétuel­lement au présent. Donc, plus rien ou presque ne bouge dans le monde des hétérotrophes. Mais la substance vivante, elle, continue à exercer une pression tandis que les structures animales ne répondent plus à cette pous­sée. Car les espèces sont adaptées. Il ne leur est pas utile de se transformer pour survivre, proliférer et s’épanouir. Tout se passe alors comme pour un boyau d’arrosage dont on aurait bouché une extrémité. Qu’arrivera-il si une pression constante est appliquée à l’intérieur par l’autre bout ?

— Il finira par éclater, j’imagine.

— Voilà ! Le boyau, c’est le monde des pluricellulaires. Retenons donc ceci. Lorsque la saturation de l’espace vital menace la substance vivante de stagnation, le monde des pluricellulaires éclate dans sa partie la plus fragile. Cet éclatement fait que la substance vivante peut pénétrer sur un nouveau palier d’évolution, le troisième, soit le monde de la conscience réfléchie, un nouveau monde dans lequel se développera l’humanité.

— Sur le plan biologique concret, que faut-il entendre par le déplafon­nement dans la partie faible du boyau ?

— Revoyons le graphique Les deux courbes (12e entretien De la matière à la vie). Deux tensions ici s’affrontent : celle extérieure de la matière en chute spatio-temporelle et celle intérieure de la vie qui s’élève sur la muraille escarpée du rocher pour se maintenir perpétuellement dans la dimension du présent. Cette prise d’assaut de la matière pour en surmonter l’entropie se répercute avec une particulière intensité chez les pluricellulaires du règne animal. Chaque organisme est un champ de bataille où se livre un combat contre les adver­sités de la matière extérieure — incluant les autres espèces — qui contrarient le besoin intérieur de vivre.

L’on peut alors comprendre que le carburant infusé par la substance vivante, pour propulser les organismes de ce niveau sur une voie évolutive, se manifeste sous la forme d’un instinct de puissance. L’impulsion vitale pousse les organismes à développer des organes biologiques de défense et d’agression pour conquérir un espace où ils pourront exercer leur droit de vivre.

L’animal doit en effet combattre pour étendre sa domination sur un territoire, là où il pourra trouver le gîte et la nourriture qu’il doit s’assimiler pour maintenir et amplifier son énergie. Sa survie dépend de sa capacité à exercer un contrôle sur une portion de l’environnement afin d’y établir son habitat. Il en résulte que les organismes doivent inscrire leur développe­ment dans un contexte de lutte et de rivalité. Si bien que, plus un organisme est fort, meilleures sont ses armes de défense et d’agression, et mieux il assure sa place au Soleil. La puissance est l’une des valeurs les plus impor­tantes — je dirai même la valeur dominante — du règne animal.

Toutefois, il ne faut pas interpréter cette force dans un sens exclusive­ment musculaire mais plutôt comme une capacité proportionnée à la niche environnementale occupée par l’animal. Le lombric n’a pas à se mesurer à la puissance du lion car son espace environnemental se déploie à une échelle de grandeur peu accessible au fauve. Les griffes de l’ours sont des armes redoutables mais elles sont peu efficaces contre le caribou dont la force est dans les jambes et un profil élancé qui lui permettent de les fuir rapide­ment. La mâchoire du loup ne peut rien non plus contre le goéland dont les ailes lui permettent de s’envoler hors d’atteinte des crocs et de se maintenir dans les airs pendant des heures.

En bref, la force animale réside dans le pouvoir que procurent les orga­nes d’adaptation à une niche environnementale particulière. À l’opposé, la faiblesse manifeste un déficit d’adaptation. Les organismes mal pourvus en organes de combat ou de défense ne peuvent pas survivre. Normale­ment, du moins ! Car c’est précisément dans un organisme inadapté à une niche particulière de l’environnement que la substance vivante déplafonne le monde des pluricellulaires après avoir atteint le point de saturation de l’espace environnemental. Par un organisme faible et déficient, selon les critères d’adaptation animale, la pression du fluide vital a fait éclater le boyau pour permettre l’aboutissement à un palier supérieur.

Imaginons le primate à la racine biologique de l’humanité, juste avant le déplafonnement du deuxième étage. Dans la mesure où il ressemblait à l’être humain, il n’y a pas de doute que, par comparaison aux autres ani­maux qu’il côtoyait, il était plutôt mal pourvu à bien des égards. Cet animal est tout nu, sans épais revêtement de poils contre le froid, sans carapace pour se protéger des intempéries, de l’ardeur du soleil et des agresseurs. Il n’a pas de griffes pour se défendre, pas de crocs pour broyer la nourriture. Il est faible et impuissant face à la férocité des bêtes qui l’environnent.

Le préhominien est lourdement handicapé. D’abord, il est bipède en sorte qu’il ne peut atteindre la grande vitesse des prédateurs à quatre pattes. De plus — et c’est là sans doute un facteur décisif — il n’est pas très mobile du fait que sa progéniture requiert un soutien pendant une longue période de croissance avant de parvenir à l’autonomie de l’adulte.

— Votre raisonnement ne contredit-il pas la thèse selon laquelle la sur­vie du mieux adapté (survival of the fittest) enclencherait l’évolution ?

— L’adaptation, c’est la fin et non la cause, le résultat mais non le mo­teur de l’évolution. Les organismes déjà bien adaptés aux conditions envi­ronnementales n’ont plus besoin d’évoluer. Par conséquent, ils ne sont pas sensibles à la poussée vitale qui cherche une voie de libération de la pres­sion à l’intérieur du boyau. Ils jouissent déjà d’un pouvoir dont ils ne pour­raient pas se départir sans entrer en conflit avec leur propre structure. Une fois leur adaptation réussie, ils ne sont plus disponibles pour l’exploration de nouvelles voies.

L’organisme animal adapté est déjà ajusté à une niche environnemen­tale dans laquelle il peut survivre et proliférer. Toute son énergie vitale est dès lors canalisée pour le maintien de la position avantageuse à laquelle il accède.

C’est l’organisme déficient dans un type particulier d’environnement — peut-être des conditions géologiques changeantes — qui a besoin de recher­cher, de développer et de perfectionner des organes appropriés d’adaptation. Ce qui pousse les espèces à évoluer, c’est-à-dire à opérer des changements structuraux, c’est le besoin d’ajustement de ce qui n’est pas adapté et non le fait d’avoir réussi une adaptation.

La théorie de la survie du mieux adapté présuppose que des change­ments de structures biologiques surviennent sans aucune orientation, par le jeu du hasard, mais que ce ne sont que les mutations “adaptées” qui parviendraient à s’imposer. Les transformations moins heureuses ne se transmettraient pas. En sorte qu’à la loterie de l’évolution, les espèces exis­tantes seraient toutes des numéros gagnants. Mais s’il était possible de faire l’inventaire des ratés et des réussites de l’évolution depuis l’origine (ce décompte n’est pas faisable puisque, explique-t-on, les perdants n’ont pas laissé de traces), il est fort à parier qu’on dénombrerait plus de gagnants que de perdants dans le jeu de hasard de la nature. Dans quel cas, il faudrait conclure qu’un hasard aussi généreux n’en est pas un.

Cette théorie de la survie du mieux adapté ne tient pas compte de la dimension particulière du phénomène de la vie. Bien qu’elle constate l’é­volution, elle n’explique pas la poussée évolutive en dépit de ses préten­tions à décoder ses mécanismes. La raison en est qu’au départ de sa dé­marche, elle réduit la réalité aux seules causes matérielles. Elle ne peut alors rendre compte des déterminismes structuraux par lesquels la substance vivante a dû passer pour déplafonner le monde des pluricellulaires.

Le préhominien, dont l’humanité est issue, est faible en regard de la puissance déployée dans le règne animal. Mais cette faiblesse fera sa force dans le monde nouveau qui s’ouvre devant lui, car elle permettra à l’astuce de l’intelligence de se développer à un haut degré. Cet organisme n’est pas ajusté à une niche de l’environnement mais l’inadaptation à un contexte particulier fera qu’il pourra éventuellement s’adapter à tous les environne­ments. Et s’il est dépourvu de fonction particulière dans l’économie vitale du deuxième étage, c’est pour pouvoir occuper toutes les fonctions dispo­nibles au troisième palier.

Car voilà que cet organisme, dépourvu de protection du corps, inven­tera le vêtement. Privé d’organes biologiques pour se protéger contre les agressions et assimiler la nourriture, il créera les outils, se fabriquera des armes et cuira la nourriture. Et pour résister aux forces surhumaines qui déferlent dans le monde planétaire, il s’organisera en société.

— Mais comment un animal a-t-il pu effectuer un bond aussi prodigieux dans le monde humain ?

— Dans le règne animal, l’évolution passe par le développement de la conscience. Rappelons que plus la conscience de l’environnement est vive, moins l’instinct joue et plus le comportement de l’animal est libre par rapport aux déterminismes génétiques. L’intensité de la conscience est un indicateur du degré d’évolution animale. Il est donc tout à fait cohérent que l’éclatement du boyau dont nous parlons survienne en continuité avec l’évolution de la conscience animale.

Jusque-là, l’envergure de cette conscience est en relation étroite avec l’ouverture des sens. Entre deux espèces différentes, l’animal le plus évo­lué est celui dont la conscience balaie le plus large spectre de réalités envi­ronnementales. Ce qui suscite la question de savoir comment la substance vivante pourra progresser dans sa recherche d’un organisme plus perfor­mant lorsque toutes les ressources des sens auront été exploitées.

Puisque la conscience animale est dépendante des sens, le nouvel orga­nisme devra nécessairement subir une sorte d’arrachement, de distanciation des sens pour accéder à des données non-sensorielles et s’ouvrir à des réa­lités invisibles. Pour prolonger l’essor de la substance vivante vers une cons­cience plus large, le déplafonnement des sens sera requis. Il permettra à la conscience de rebondir sur les limites sensorielles comme d’un miroir pour s’autoconscientiser, accéder ainsi au je suis de l’être, au moi humain, à la rationalité. Bref, au monde de la conscience réfléchie.

— Vous allez trop vite. Je n’y comprends rien ! Les questions se bous­culent dans ma tête. D’abord qu’entendez-vous par ce miroir sur lequel la conscience rebondit ?

— Les limites de la conscience animale, je le répète, ce sont les sens entendus dans leur acception la plus large. C’est par tout son corps que l’animal est éveillé à son environnement. La conscience animale peut se définir comme une capacité d’être présent aux réalités extérieures. Cette présence prend cependant la couleur et les limites des ouvertures de l’orga­nisme sur le monde externe. La conscience du poisson n’est pas la même que celle de l’oiseau ou du quadrupède. Il va de soi que chaque conscience animale coïncide avec l’espace dans lequel vit l’organisme.

Ce qui ne veut pas dire que ce soit la structure organique en elle-même qui soit la cause fondatrice de cette conscience. Elle ne résulte pas de l’in­teraction des sens. Tout ce qui peut être appréhendé à l’extérieur est fait de matière. Ce qui inclut le corps et, conséquemment les sens.

Mais la conscience, elle, est de l’autre ordre, celui invisible et impalpa­ble de la substance vivante. Elle relève de l’unité de l’être. La conscience animale résulte de la vie qui anime l’organisme. En décrivant la conscience comme une capacité d’être éveillé aux réalités extérieures, nous impliquons donc que la vie dans l’organisme se confronte à la matérialité du monde. Il demeure que la qualité de cette présence au monde est en rapport avec l’ouverture des sens. Elle est tributaire des “fenêtres” de la structure orga­nique dont elle dispose pour se maintenir vivante dans le monde extérieur.

On peut dès lors comprendre que la substance vivante parvienne à une impasse lorsque le développement des sens se heurte aux limites de leur potentialités. L’accroissement de la conscience, que la substance vivante vise au travers de l’évolution animale, ne peut plus se poursuivre lorsque toutes les avenues d’appréhension du monde sensible ont été explorées.

— Ne pourriez-vous pas illustrer concrètement ces limites ?

— La vue d’une montagne n’informe pas sur ce qu’il y a derrière la mon­tagne, n’est-ce pas ? La montagne est un obstacle qui limite la vision. Pour savoir ce qu’elle cache, peut-être que l’odorat pourra prendre la relève de la vue. Mais là, passée une certaine distance, ce sens, même lorsqu’il est extrêmement développé, devient inefficace. Derrière la montagne, il y a peut-être une proie dont l’animal pourrait se repaître. Mais il ne peut ni la voir ni la sentir. Par conséquent, il ne pourra pas s’y confronter. L’oiseau pourra se ficher de l’obstacle et voler à grand déploiement d’ailes au-dessus de la montagne. Mais il n’aura pas les mêmes besoins et ne pourra pas s’accommoder d’un gibier disproportionné à sa taille et à sa légèreté.

Les limites auxquelles se heurte le développement de la conscience animale ne se situent donc pas que dans la ligne de l’efficacité des cinq sens classiques. Elles tiennent aussi de la spécialisation des organes de communication avec le monde externe en lien avec la niche environne­mentale qu’occupe chaque espèce.

L’acuité de vision de l’aigle n’est utile que de l’altitude à laquelle l’en­vergure de ses ailes donne accès. Le dépassement des capacités de son œil ne pourrait se poursuivre qu’en parallèle à la possibilité d’atteindre une plus haute altitude. Ce qui ne serait pas un avantage. Car la plongée sur des proies en deviendrait inefficace en raison de la prolongation du par­cours pouvant signaler à une éventuelle victime l’approche d’un prédateur. À l’opposé, la niche environnementale dans laquelle la taupe s’est établie a inhibé sa vision. Elle a favorisé en revanche le développement de mem­branes entre les doigts de ses membres antérieurs pour faciliter le creusage des galeries de son terrier.

Les espèces ont développé des outils biologiques indispensables à leur survie qui les limitent toutefois à une niche de l’environnement. En raison même du développement qu’implique un investissement de l’énergie vitale dans des voies de spécialisations organiques, les possibilités d’accroisse­ment de la conscience animale, étant tributaire des sens, se trouvent pla­fonnées.

Et c’est précisément ici que la pression de la substance vivante fera éclater les limites du monde sensible. De sorte qu’un animal parviendra à faire un premier raisonnement à partir duquel se bâtira le monde de la cons­cience réfléchie. « Derrière la montagne, la forêt continue, il y a d’autres arbres. Probablement ! »

Chaque élément de cette déduction implique le dépassement du monde sensible. Il existe une distance incalculable entre l’immédiateté de la per­ception sensible et les concepts, de montagne, de forêt, d’arbre. Aucune perception sensorielle ne peut rendre compte de la notion d’arbre. L’œil ne peut saisir que l’apparence d’un arbre particulier. Plus encore, il ne permet pas de concevoir une catégorie applicable à tous les spécimens du genre arbre, quelle que soit leur essence.

Quant au « probablement » de ce raisonnement, il tient lieu d’hypo­thèse qui réclamera d’être confirmée par une vérification. En marchant pour atteindre l’autre côté de la montagne afin de vérifier si la forêt s’étend jusque-là, le rationnel réalisera une expérience scientifique initiale dans l’histoire humaine.

La rationalité constitue un outil de contact efficace et sans précédent avec la réalité extérieure. Elle amplifie la conscience et la positionne à un degré autrement supérieur à celui des espèces du règne animal. L’homme possède un atout de plus que les animaux pour connaître le monde dans lequel il vit. Il décuple la sensorialité par la rationalité. La conscience réflé­chie, que l’espèce humaine détient exclusivement, permet une connais­sance approfondie des réalités. Elle est l’outil par excellence de domina­tion et d’appropriation du monde objectif. Par elle, la substance vivante parvient graduellement à exercer un contrôle très efficace sur la matière pour en harnacher les forces.

—Mais pour en revenir au premier homme et à la première femme, que s’est-il passé dans leur tête ? Par quel méandre intérieur l’animal est-il parvenu à inaugurer la sphère du raisonnement ?

— Jusque-là, la conscience se confrontait exclusivement à la matérialité du monde. Et voici que parvenue aux limites de la puissance des sens, la conscience est alertée par un fait extérieur et demeure comme suspendue à une interrogation. « Qu’est-ce qu’il y a, qu’est-ce que c’est ? » Que se passe-t-il lorsque l’interrogation déclenchée n’obtient pas de réponse ? Lorsque les sens se heurtent aux limites du visible et ne peuvent plus infor­mer sur les réalités environnantes, il ne reste à la conscience que la possi­bilité de faire volte-face. Sur le chemin du retour sur elle-même, la cons­cience est ainsi amenée à se découvrir elle-même.

Le premier raisonnement du premier homme ou de la première fem­me suppose une ouverture telle sur la réalité que la vie, l’être entre dans le champ de la conscience. Un constat révélateur : je suis, je suis un être vivant, j’existe. Après s’être heurtée aux limites de la connaissance par les sens, la conscience a accompli un retour sur elle-même, ouvrant ainsi la porte à l’émergence du moi. (Pour mieux saisir ce qu’implique cette prise de conscience, voir l’illustration graphique ci-dessous, intitulée Consciences animale et humaine).

— Concrètement, qu’est-ce qui a pu provoquer ce retour de la cons­cience sur elle-même ?

— Difficile de savoir ce qui a pu enclencher le processus. Un événement heureux ou malheureux ? Un choc, un traumatisme quelconque ? Ou enco­re une résurgence de vie, un afflux subit de joie et de bonheur ? Peut-être tout cela en même temps. Je ne prétendrai pas détenir de réponse décisive. J’avancerai tout de même une hypothèse qu’une analyse du profil psycho­logique de la rationalité pourrait peut-être confirmer. Mais je n’en ferais pas un dogme. D’autres explications pourraient sans doute être mises de l’avant.

Mon hypothèse s’appuie sur l’état de crise qui précède le déplafonne­ment sur le nouveau palier. La transition d’un étage à l’autre constitue une nouvelle naissance, avons-nous dit. Et puisque dans le règne animal, il ne semble pas y avoir de naissance sans souffrance, je suggère que le passage à la rationalité a pu faire suite à une épreuve, à un vécu difficile.

Pour survivre, l’animal a besoin d’être informé de ce qui l’environne. Il doit trouver sa nourriture et combattre d’éventuels prédateurs. Plus sa survie est menacée, plus il a besoin d’être éveillé au milieu dans lequel il est plongé.

Et lorsque les dangers de diverses origines sont si nombreux que les sens ne suffisent plus à tenir informé des éventuels dangers, il peut en résulter dans l’intériorité une angoisse. L’impuissance face à des obstacles disproportionnés serait alors la manifestation initiale d’une prise de cons­cience existentielle à partir de laquelle la rationalité commence à s’exercer. Heureuse faiblesse qui a pu permettre au premier humain de dépasser les sens, face aux problèmes de stricte survie, en débouchant sur les solutions astucieuses de la rationalité pour se défendre et s’adapter aux conditions terrestres.

— La joie de la naissance après les douleurs de l’enfantement !

— Une re-naissance qui permettra à la substance vivante de partir à zéro sur un nouveau palier : le troisième étage de la Maison de la vie. De là, le fluide vital pourra réinvestir la Terre entière sans pourtant perturber l’équi­libre écologique atteint dans les étages inférieurs des unicellulaires et des multicellulaires.

L’un des effets parmi les plus spectaculaires de cette entrée dans la sphère de la rationalité amènera la nouvelle espèce à se libérer de la néces­sité de développer des organes biologiques d’adaptation. Ce sera désor­mais la rationalité qui servira d’organe d’adaptation à la matière terrestre. Une faculté universelle en ce sens qu’elle sera éventuellement en mesure d’adapter l’espèce à tous les environnements, à toutes les niches habitables de l’économie terrestre.

Autre conséquence remarquable : cet investissement de la substance vivante au niveau de la rationalité ne s’accomplira pas par le développe­ment de plusieurs espèces comme à l’étage inférieur. L’espèce humaine sera éventuellement la seule à évoluer sur son palier. Ainsi, l’humanité se trouve à être une espèce des espèces. C’est-à-dire que chaque spécimen du genre humain résume à lui seul l’expérience vitale de toutes les espèces réunies de l’étage au-dessous. Tout comme un seul organisme multicellu­laire est la synthèse du monde tout entier des unicellulaires, de même un individu humain constitue la synthèse de toutes les espèces multicellulaires du deuxième palier. Et la preuve en est que, muni des outils d’adaptation inventés par la rationalité, il peut s’adapter à tous les environnements de l’économie terrestre.

— Votre théorie me laisse perplexe. Ce point de vue ne relèverait-il pas d’un certain anthropocentrisme ?

— Nullement, cher Albert. Se manifeste ici encore une fois — et ce ne sera pas la dernière — la très grande puissance de synthèse de l’énergie vitale. Souvenons-nous que la substance vivante se moule à contre-courant de la matière. En se laissant aspirer par une lumière de plus en plus intense, la vigne grimpe toujours plus haut sur la face d’un rocher où alternent pla­teaux, pentes douces, montées à pic, escarpements.

Lors du passage du monde des unicellulaires à celui des multicellulai­res, nous avons assisté à une mise en œuvre de la faculté de synthèse com­parable à celle que nous rencontrons présentement. Nous avons constaté qu’un organisme pluricellulaire résume à lui seul l’ensemble des unicellu­laires. Les divers organes développés chez le pluricellulaire — comme le foie, le cœur, les poumons, le squelette, la peau, etc. — correspondent en effet aux fonctions des espèces spécialisées à l’étage au-dessous. L’orga­nisme multicellulaire hérite de l’équilibre écologique atteint entre les espè­ces du premier monde vivant. Ce n’est toutefois pas à la même échelle de grandeur que s’est développé le deuxième monde. Il suffit de comparer l’habitat qu’occupe chacun de ces mondes pour s’en rendre compte. Comparativement à l’espace infinitésimal réservé à l’unicellulaire, la niche environnementale occupée par le multicellulaire est d’un ordre de grandeur astronomique.

Un bond similaire est effectué lors du passage du deuxième au troisiè­me monde. Les animaux sont adaptés à un type particulier d’environne­ment. Ils ne peuvent survivre qu’à la condition de s’y maintenir. Le léopard et l’ours polaire ne peuvent cohabiter sous le même climat. La baleine et la méduse sont restreintes au milieu marin. Le colibri et le faucon peuplent les airs.

D’une niche environnementale plus ou moins limitée, la substance vivante passe, en l’espèce humaine, à la dimension planétaire. L’habitat de l’humanité, c’est la planète entière. L’être humain peut s’adapter à toutes les niches environnementales. Et c’est paradoxalement parce qu’il ne pos­sède aucun organe biologique d’adaptation. Son corps est nu, n’a ni cara­pace ni fourrure, ni crocs ni griffes, ni ailes ni nageoires, ni aucun des outils nécessaires à une insertion dans l’un des creux de la matière ! Du point de vue de l’animal qui doit s’imposer dans son environnement par la force — ce qui le pousse à développer des organes de combat et d’adaptation spé­cifiques — l’organisme humain apparaît inadapté. Il semble d’une fragilité extrême face aux forces brutales qui l’environnent de toutes parts.

Mais cette faiblesse n’est qu’apparente. Elle permet le dépassement des sens et fait éclater le besoin d’adaptation par des organes corporels. Elle révèle l’outil d’adaptation par excellence : la rationalité. Elle introduit la substance vivante sur un plan nouveau où ce n’est plus la force physique qui triomphe des adversités mais l’astuce de l’intelligence, marquée par la capacité de marcher en équilibre sur le filin de la conscience réfléchie.

Grâce à la rationalité, l’homme peut créer des prolongements matériels de son corps pour l’adapter à la variété des conditions planétaires. Pour se protéger de la chaleur et du froid, depuis les tropiques jusqu’aux pôles, il se fabrique des vêtements. Grâce au harnachement du feu, il substitue la cuisson des aliments aux crocs et aux griffes des bêtes. Il se donne des outils extérieurs à son corps pour se défendre, pour attaquer ou pour sa commo­dité. Il inventera le sous-marin pour naviguer mieux que le poisson dans les eaux et l’avion pour voler à plus haute altitude que l’oiseau.

Voilà pourquoi j’ai dit que l’être humain forme la synthèse du monde des multicellulaires. Dans les siècles précédents, on a caricaturé la théorie de l’évolution en disant que « l’homme descend du singe ». Mais son origine remonte à beaucoup plus qu’une espèce de primates. L’homme est l’enfant de la nature dans son ensemble et le miroir du monde animal tout entier.

— Cette vision révolutionne les conceptions classiques de l’évolution.

— Les concepts courants de l’évolution prennent appui sur une repré­sentation matérialiste de la réalité qui évacue la dimension qualitative et spirituelle. Ils réfèrent à une succession d’événements évolutifs découlant linéairement les uns des autres. Dans cette optique, l’homme peut être jugé plus évolué que le primate, qui est plus évolué que le lémurien, etc. Comme si la rationalité était un caractère qui se surajoutait sans plus aux caracté­ristiques du primate. Mais si l’on veut prendre en compte la dimension qualitative, on devra privilégier un modèle différent d’évolution.

Dans le deuxième récit de la création du premier livre de la Bible, Dieu présente au premier homme tous les animaux pour qu’il leur donne un nom. L’auteur précise qu’Adam a su donner un nom « à tous les bestiaux, aux oiseaux du ciel et à toutes les bêtes sauvages » (Gn 2, 20). L’on peut interpréter que s’il y est parvenu, c’est parce qu’il a su se reconnaître lui-même dans toutes les espèces. L’auteur de la Genèse ne disposait pas des connaissances d’aujourd’hui. Il a utilisé l’imagerie poétique de la scène de la création pour exprimer son intuition. À savoir que l’homme résume et transcende dans sa structure toutes les puissances du monde animal.

— Il estimait l’homme à part dans la nature. Mais le voyait-il vraiment comme la synthèse des organismes vivants du niveau précédent ?

— Il nous faut bien prendre conscience que le déplafonnement d’un étage de la Maison de la vie n’est pas un événement anodin. Jusqu’ici, nous avons passé en revue trois passages sur les quatre qui correspondent aux interactions de la matière. Soit le passage de la matière à la cellule, de la cellule au pluricellulaire, et, présentement, du pluricellulaire à l’homme. Ces passages sont si peu nombreux et si révolutionnaires qu’il faudrait pratiquement parler de miracle tant ils peuvent étonner et tant ils doivent faire appel à des ressources mystérieuses, à des potentialités étonnantes, à des arcanes encore inconnus de la réalité vitale.

Le passage de la conscience animale à la conscience réfléchie suppose un bond qualitatif considérable. Même si l’on peut apercevoir d’un point de vue scientifique une solution de continuité, il reste que l’on se doit aussi de noter une distance radicale entre l’un et l’autre.

Pour permettre l’accès à la conscience réfléchie, on assiste à un arra­chement de la conscience animale qui ne manque pas de laisser des traces dans la dimension intérieure de la structure humaine. Référons-nous encore à l’il­lustration graphique ci-dessus. L’on constate que le dépassement des sens implique entre autres l’éclate­ment de l’instinct. Jusque-là en effet, le comportement animal répond en partie aux stimuli extérieurs captés par les sens et est conditionné, d’autre part, par l’instinct. Comme nous l’avons vu, celui-ci exerce une contrainte génétiquement réglée à laquelle les spécimens ne peuvent échapper.

Or, le dépassement des sens qu’implique l’exercice de la rationalité produit en corollaire l’éclatement de l’instinct. On peut le comprendre si l’on se souvient que ce dépassement a pu survenir à la suite d’une prise de conscience de soi, c’est-à-dire d’un éveil à la dimension intangible de la vie. Lorsque l’humain prend conscience de son existence, lorsqu’il cons­tate qu’il est, qu’il est vivant, il se reconnaît ipso facto comme un moi. Un moi qui va se loger dans l’espace intérieur antérieurement réservé à l’ins­tinct et auquel il se substitue. De sorte que ce ne seront plus désormais les pulsions instinctuelles tributaires de l’héritage génétique de l’espèce qui dicteront le comportement mais l’autodétermination du moi.

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L’économie vitale pousse les organismes du deuxième niveau à développer des organes biologiques de défense et d’agression pour conquérir un espace où ils pourront exercer leur droit de vivre. L’animal doit en effet combattre pour étendre sa domination sur un territoire, là où il pourra trouver le gîte et la nourriture qu’il doit s’assimiler pour maintenir et amplifier son énergie.
Le primate à la racine biologique de l’humanité est nu, sans épais revêtement de poils contre le froid, sans carapace pour se protéger des intempéries, de l’ardeur du soleil et des agresseurs. Il n’a pas de griffes pour se défendre, pas de crocs pour broyer la nourriture. Il est bipède et ne peut atteindre la grande vitesse des prédateurs à quatre pattes. De plus, sa progéniture requiert un soutien pendant une longue période de croissance avant de parvenir à l’autonomie de l’adulte.
Le préhominien, dont l’humanité est issue, est faible en regard de la puissance déployée dans le règne animal. Mais cette faiblesse fera sa force dans le monde nouveau qui s’ouvre devant lui, car elle permettra à l’astuce de l’intelligence de se développer à un haut degré. Et pour résister aux forces surhumaines qui déferlent dans le monde planétaire, il s’organisera en société.
Le graphique ci-dessus illustre les marques distinctives des consciences animale et humaine. Chez l’humain, l’éveil à la réalité suppose le dépassement des perceptions sensorielles et une ouverture telle sur la réalité que la vie et l’être entrent dans le champ de la conscience.

3 réponses à “16- Le monde de la conscience réfléchie”

  1. Notre ami continue de faire évoluer notre compréhension de l’évolution !

    La question des « niveaux » est importante. Dans la théorie de l’évolution, on n’ose pas distinguer l’être humain des autres animaux. Darwin, lui, il me semble, évitait de parlait de l’être l’humain dans son célèbre écrit sur l’origine des espèces. C’était une sage prudence. Reconnaître, même d’un point de vue scientifique, et contrairement à Desmond Morris, que l’être humain n’est pas simplement un animal plus évolué mais qu’il s’agit d’un autre niveau dans l’évolution, m’apparaît un point de départ majeur pour une réflexion sérieuse sur la question.

    Paul a déjà introduit la notion de conscience. Ici, il en fait un critère fondamental pour évaluer le décret d’évolution d’une espèce. (Éventuellement, chez l’être humain, le degré de conscience pourrait aussi indiquer le degré d’évolution d’un individu !) Et le passage du 2e au 3e niveau des êtres vivants est caractérisé par une transformation du type de conscience. Nous entrons ici dans le monde de « la conscience réfléchie ». Au bas de la page 200, notre auteur conclut son explication de la naissance de la conscience réfléchie par ces mots : « Heureuse faiblesse qui a pu permettre au premier humain de dépasser les sens ». Toute cette réflexion audace me ramène à deux questions qui traversent tout le processus de l’évolution.

    Une première concerne le développement de propriétés préexistantes. Si l’être humain, dans une situation donnée (joie ou traumatisme comme le dit notre auteur) en vient à prendre conscience de lui-même, c’est que cette possibilité existait. Et tout au long de l’évolution, ce qui survient avait la possibilité de survenir. Dans ce volet des propriétés « préexistantes », un exemple célèbre est celui du développement des poumons. La théorie de l’évolution présente les choses comme si « les poumons » sont apparus chez des êtres aquatiques et, un moment donné, ils sont appris à les utiliser pour sortir de l’eau. Notre auteur faisait d’ailleurs une affirmation encore plus forte lorsqu’il disait, dans un entretien précédent, que les éléments nécessaires à la vie des pluricellulaires étaient déjà préexistants que les organismes unicellulaires. Cela n’est pas aussi sans rappeler notre commentaire sur les « propriétés émergentes » qui accompagnent tout le processus évolutif.

    Une 2e question est celle du rapport entre l’adaptation et la non-adaptation. Notre auteur introduit ici des notions originales et extrêmement intéressantes. Plutôt que de mettre tout l’accent sur la survie des mieux adaptés, il ose affirmer que la non-adaptation est aussi un mécanisme évolutif, peut-être le plus important en fait. Cette notion sera très importante plus tard dans le développement humain.

    Sur un autre plan, la question de déterminer les « mécanismes de l’évolution » demeure complexe. Notre auteur s’y essaie mais le résultat n’est peut-être pas aussi concluant qu’il le voudrait. D’ailleurs, lorsqu’il s’agit de nommer « l’agent » de l’évolution, différents sujets sont évoqués. Prenons, à titre d’exemple, le bas de la page 198.
    – « À l’opposé, la niche environnementale dans laquelle la taupe s’est établie a inhibé sa vision ». Ici, c’est l’environnement qui est le mécanisme qui cause l’évolution : il « inhibe ».
    – « Les espèces ont développé des outils biologiques indispensables à leur survie qui les limitent toutefois à une niche de l’environnement. » Ici, c’est l’espèce qui est le sujet de l’évolution : elle « développe ».
    – « Et c’est précisément ici que la pression de la substance vivante fera éclater les limites du monde sensible. » Enfin, ici, c’est la substance vivante qui cause l’évolution : elle « fait éclater ».
    Vraisemblablement, le mécanisme de l’évolution est un mécanisme complexe. Plusieurs causes entre en jeux. Et non seulement des causes « motrices », nous en avons déjà parlé. Plus largement, je continue de croire que le processus de l’évolution, depuis le Big Bang des origines, se poursuit d’une manière aussi précise et « prédéterminée » que la croissance d’un être humain dans le ventre de sa maman depuis la fécondation de l’ovule jusqu’à sa pleine maturité.

  2. COMMENTAIRE 2

    Les intuitions de notre ami ouvrent des perspectives nouvelles pour aborder certains défis de notre temps. J’évoque brièvement le défi écologique et le défi planétaire.

    DÉFI ÉCOLOGIQUE. Parlant du passage au 3e niveau, il écrit : « De là, le fluide vital pourra réinvestir la terre entière sans pourtant perturber l’équilibre écologique atteint dans les étages inférieures des unicellulaires et des multicellulaires » (p. 201). Aujourd’hui le « défi écologique » fait constamment la manchette. Les intuitions de notre ami Paul rappellent que ce défi ne pourra pas être relevé uniquement par des changements matériels. Il va beaucoup plus loin qu’une « réduction des gaz à effet de serre ». Le défi écologique appelle un approfondissement de la conscience réfléchie. C’est dans la prise de conscience que l’être humain n’est en compétition avec aucun autre être vivant, mais qu’il devient plutôt le partenaire de tous que le défi écologique trouvera des ouvertures nouvelles et inexplorées.

    DÉFI PLANÉTAIRE. Toujours en lien avec le passage au 3e niveau, notre ami écrit : « Mais l’habitat de l’homme, c’est la planète entière » (p. 202). On entend parfois parler d’une « surpopulation de la planète ». Cette expression est évidemment plus idéologique et politique que scientifique. Néanmoins, elle pose la question du défi planétaire. Advenant une « saturation » de l’espace planétaire, que devrait faire l’être humain ? Réduire la population mondiale ? Explorer des alternatives vers la lune ou la planète Mars ? Les intuitions de notre ami Paul nous invitent à regarder dans une toute autre direction. Vraisemblablement, le passage au 4e niveau invitera l’être humain à découvrir de nouvelles manières « d’habiter la terre ». Et cela ouvrira sans doute sur des affirmations proches de la béatitude évangélique : « Heureux les doux, car ils recevront la terre en héritage ».

    C’est à suivre.

  3. Les arguments présentés dans cet entretien pour rendre compte du passage de la conscience animale à la conscience humaine peuvent sembler bien fragiles et, pour le moins, peu développés. Objectivement, ce discours prête le flanc à la critique pour son subjectivisme et la fragilité de ses énoncés théoriques.
    Mais le regard posé ici sur la transition cruciale entre l’homme et l’animal n’a pas la prétention de s’imposer comme vérités scientifiquement démontrées, bien qu’il puisse les inclure dans sa perspective. Les arguments mis de l’avant veulent plutôt dépasser les déductions de la rationalité objective en ouvrant l’esprit à une vision intuitive qui rend compte à la fois des versants objectif et subjectif du réel. La méthode de la philosophie quantique est ici à l’œuvre et démontre son efficacité en projetant un éclairage inédit sur l’évolution biologique.
    L’accès à cette nouvelle intelligence, toutefois, ne va pas sans certaines conditions. L’esprit hyper critique, limité au terre-à-terre, fut-il scientifique, s’en exclu de lui-même. À trop se concentrer sur les arbres, on perd de vue la forêt. Il ne s’agit donc pas de s’encloisonner dans les méandres inextricables sur le terrain de la recherche objective. Plutôt, d’être réceptifs à la vision de l’oiseau en plein vol balayant du regard des continents tout entiers. Car seul l’esprit apte prendre de l’altitude peut dénouer les énigmes de l’univers.

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