< article_précédent _______________________________________________ article_suivant >
Adaptation et dépassement. Deux grandes lois du parcours évolutif. Les sciences sont développées pour adapter l’humanité aux conditions terrestres. La spiritualité est mise en place pour l’élever sur la courbe ascendante vers la source originelle d’énergie.
Albert : Voilà qui renverse radicalement le présupposé moderne à l’effet que ce serait la science qui serait le propulseur de l’évolution cependant que les religions sont habituellement assimilées à une force conservatrice et réactionnaire qui freine toute évolution.
— Ce sont là de courtes vues qu’alimente une utilisation abusive du terme évolution. Car tout changement n’est pas nécessairement positif. Toute transformation structurale ne devrait pas être classée automatiquement comme un progrès évolutif. L’on peut trouver dans la nature des cas d’engagement de la substance vivante dans des développements sans avenir et, éventuellement, sans lendemain. Les espèces éteintes en témoignent. L’ère du gigantisme dinosaurien en est un exemple patent.
Nous avons déjà identifié ces culs-de-sac de l’évolution par le terme de matérialisation. Certaines espèces, en rupture de ban avec la tension verticale, régressent de leur position sur la courbe en se rejetant exclusivement sur l’horizontalité. Le plus souvent, ces espèces exagèrent leurs organes d’adaptation et dégénèrent avant de disparaître. Le présupposé de primauté et d’exclusivité scientifique caractéristique de la culture contemporaine auquel vous faites allusion peut bien tenir d’un tel aiguillage déviant.
Les sciences sont ordonnées à l’adaptation de l’humanité aux conditions planétaires, c’est-à-dire au monde de la matière. Elles développent les racines de l’humanité. Ce qui est tout à fait positif et contribue formidablement à la croissance de l’Arbre de la vie en étendant les assises de son essor. Mais cette adaptation ne suffit pas. Limitée à l’horizontalité terrestre, elle n’a aucune prise sur le développement vertical. Cela dit à l’encontre des tenants de la philosophie scientiste qui croient les sciences capables un jour de contrôler et provoquer artificiellement l’évolution de l’homme.
Cette ambition est une véritable aberration dans notre optique, une monstrueuse enflure. Elle me fait penser à ces cervidés africains dont le panache est devenu si énorme qu’il a entraîné la disparition de l’espèce. L’exagération du rôle des sciences ne garantit pas le progrès véritable de l’humanité. Leur attribuer une importance démesurée risque plutôt d’entraîner une régression.
Car l’évolution véritable des humains implique des transformations intérieures irréductibles à la dimension physique des individus. Chez l’homme, la qualité de vie ne dépend pas des gènes. Elle est tributaire de l’état intérieur des personnes. Elle relève de l’ordre moral.
L’intensification du dynamisme vital ne peut donc pas être suscitée par un enrichissement matériel ou un contrôle plus efficace du contexte extérieur. Elle ressort de la libre transformation des personnes engagées dans l’axe vertical du dépassement. C’est pourquoi la pensée religieuse en est la clef.
— Mais comment cet axe intérieur aboutirait-il à la religion ? Entre la conscience d’être et les institutions religieuses, il y a une marge que vous avez franchie allègrement, il me semble.
— Partons donc de la conscience d’être. Elle me fait dire : JE SUIS, et, secondairement, JE SUIS UN HUMAIN. L’ajout du qualificatif “humain” à ma prise de conscience implique une limitation à l’être. Je suis limité par ma structure humaine. Or, le fait d’être, en lui-même, est illimité puisque l’être pur ne peut connaître d’autre dimension que le présent. Il est donc perpétuel. C’est pourquoi, l’être humain que je suis est plongé dans l’espace et le temps de la matière comme un étranger exilé de sa demeure. La demeure dans laquelle l’être est chez lui, ce n’est rien de moins que la permanence, n’est-ce pas ?
Ce qui fait que je souffre de mes limites. Je souffre de ne pouvoir subsister perpétuellement au sommet qualitatif de l’être. Je souffre de devoir un jour mourir. Cette insuffisance de ma condition humaine me fait aspirer à plus et à mieux. Ma fragilité réclame le dépassement. Mon insuffisance me pousse à me réaliser en me tendant vers une intensité vitale toujours plus haute, vers un épanouissement plus éblouissant. Tant et si bien que mon développement s’inscrit dans l’axe vertical. Il s’enclenche comme une conséquence de la quête de permanence de l’être. Ainsi, entre Terre et Ciel, je m’élève verticalement comme une plante qui a un absolu besoin du Soleil pour sa croissance.
C’est pourquoi la conscience simultanée d’être et de mes limitations m’incitent inévitablement à concevoir, en toute intelligibilité et cohérence logique, l’Être sans limites vivant dans le perpétuel présent. Ce que les religions nomment diversement. Mais quel que soit les termes utilisés — l’empyrée des dieux, Yahvé, Bouddha, Allah, le Christ — les religions visent toutes à faire le lien (la racine du mot religion signifie relier) entre la finitude de l’homme mortel et l’infini de l’Être. Cette relation, c’est le carburant indispensable à l’inscription de la croissance dans l’axe vertical de la substance vivante. Elle propulse les humains à un degré vital toujours plus élevé.
— Le degré atteint par les individus dépendrait de l’intensité de cette relation ?
— Les individus partagent tous également la valeur d’être des personnes humaines mais tous n’en sont pas au même point dans leur croissance. La qualité de vie n’a rien de démocratique dans les faits. Même si elle est accessible à tous, tous ne s’en prévalent pas avec la même intensité. Car il n’y a pas que la maturation de la personnalité qui joue dans cette inégalité. Le degré d’évolution demeure en étroite relation avec la vie morale, comme nous ne cessons pas de le dire. Dans leurs comportements et leur état d’âme, certains individus peuvent côtoyer la condition animale du niveau des multicellulaires tandis que d’autres vivent au sommet de la condition humaine et sont proches de déplafonner la conscience réfléchie.
Cela étant dit, l’aspiration au dépassement ne concerne pas exclusivement les individus. La collectivité humaine en est aussi affectée. De sorte que le développement historique du genre humain épouse la courbe de l’évolution. Depuis son émergence de la condition animale, l’humanité a parcouru globalement un long chemin dans ses aspirations religieuses et, conséquemment, elle a évolué sur le plan vertical dans la même mesure. Entre les comportements primitifs des hominiens et les conceptions spirituelles contemporaines, il existe une distance vertigineuse qui parle avec éloquence du parcours de la substance vivante en l’humanité.
— Il y aurait eu des progrès ?
— Depuis l’apprivoisement du feu — que nous pouvons sans doute considérer comme l’une des toutes premières découvertes scientifiques — les sciences, ordonnées qu’elles sont à l’adaptation de l’humanité à la matière planétaire, ont accompli des pas de géants, n’est-ce pas ? De même, les conceptions religieuses, ordonnées à l’évolution de la vie, ont franchi plusieurs étapes cruciales depuis l’affranchissement de la condition animale.
— Qu’est-ce qui détermine le progrès religieux ? Quelles sont les étapes dont vous parlez ?
— Permettez-moi de garder en réserve pour Ève, ma prochaine interlocutrice, une analyse de ce parcours. Qu’il suffise pour l’instant d’identifier la valeur poursuivie par l’ascension religieuse de l’humanité. Pour y parvenir, un bref retour sur nos arrières s’impose une fois de plus.
Nous avons comparé la substance vivante en remontée vers la source originelle d’énergie à une vigne qui s’accroche aux parois d’un rocher. Le fluide vital franchit donc à rebours les quatre interactions provoquées par la coagulation de l’énergie originelle en matière. C’est en s’inscrivant à l’encontre de ces “forces” que se construisent les quatre étages de la Maison de la vie.
Nous avons vu que pour surmonter l’entropie au deuxième niveau, la substance vivante s’est imposée en incitant les espèces du règne animal à des comportements agressifs et sauvages pour dominer et contrôler une portion de l’espace environnemental par les organes biologiques d’adaptation dont ils disposent. De plus, les animaux doivent combattre les espèces rivales pour maintenir leur position et progresser sur la courbe ascendante.
Au troisième niveau, cet instinct de puissance agressive est dépassé. Il ne peut plus conditionner le dynamisme évolutif car les organes d’adaptation du genre humain, libérés des contraintes biologiques, relèvent de la rationalité. L’homme n’a pas besoin de réagir à l’agression féroce d’une bête par une violence physique proportionnée. Il peut s’en défendre par des armes permettant d’atteindre l’animal avant toute confrontation.
D’autre part, la rivalité caractéristique entre espèces du deuxième palier ne peut plus jouer son rôle de provocateur d’évolution puisque le dynamisme vital prend dans l’humanité la tangente de l’espèce unique. Ce qui amène la question de savoir quelle valeur la poussée vitale devra désormais privilégier pour insuffler son dynamisme évolutif ?
Nous savons que le passage de la vie animale à la vie humaine s’est effectué dans une structure physique faible, sans défense, dépouillée, inadaptée comparativement aux autres organismes de deuxième niveau. Cette apparente faiblesse a été en fait une condition requise pour l’apparition de la rationalité. Si la puissance agressive a été un facteur dominant de l’évolution animale, la “faiblesse”, qui préconditionne l’émergence de l’intelligence rationnelle, est l’élément déterminant de l’humanisation de la substance vivante.
— Qu’entendez-vous par humanisation?
— J’entends que l’accession à une pleine mesure d’humanité ne s’accomplit pas instantanément au lendemain du déplafonnement du deuxième étage. Entre le plancher et le plafond de chaque niveau, il y a un immense espace dans lequel doit s’accomplir toute une évolution avant l’accession à un niveau supérieur. Au deuxième étage, le progrès accompli est parcouru par une multitude d’espèces. La recherche d’une qualité de vie plus haute s’accomplit dans toutes les directions. Elle est diffuse dans tous les embranchements de l’Arbre de la vie.
À l’avènement de l’homme, cet essor évolutif, en passant par la rationalité et le développement du moi, s’effectue dans une seule espèce. Ce qui a pour conséquence que la qualité de vie, entre l’homme au sortir de la condition animale et l’homme moderne, se mesure par une distance comparable à celle des niveaux inférieurs, entre le plancher et le plafond des mondes particuliers de multicellulaires et d’unicellulaires.
L’humanisation de la substance vivante réfère au chemin parcouru entre le plancher et le plafond du troisième niveau. L’homme a dû assumer son humanité graduellement. Et la clef de cette humanisation, c’est une certaine “faiblesse”.
L’être humain devient pleinement humain lorsqu’il reconnaît sa fragilité ainsi que celle de ses frères humains. Peu à peu, dans son parcours historique, l’humanité s’humanise. Elle apprend à pleurer et à rire, elle se lamente sur la mort et se réjouit de la naissance, elle prend soin du vieillard débile et de l’enfant impuissant, elle compatit à la souffrance d’autrui et crée des œuvres de beauté, elle recherche la justice et aspire à un monde idéal, elle réclame la paix et accorde le pardon. Voilà ce que j’entends par l’humanisation de la substance vivante sous le signe de la faiblesse.
— Dans ce scénario, où en sommes-nous aujourd’hui ? Et où allons-nous ? Est-il possible d’évaluer notre évolution ?
— La prospective applicable à la substance vivante ne tient ni du prophétisme ni de la futurologie. Elle ressort de l’analyse du présent. Le devenir des humains dépend de l’orientation des actes de l’humanité actuelle. Car au niveau de la conscience réfléchie, le dynamisme vital progresse en passant par la liberté. Non pas cette liberté relative concernée par les actes pratiques visant l’adaptation au contexte extérieur. Plutôt, celle concernée par la dimension morale et intérieure, là où retentit l’appel de la substance vivante au dépassement vers une vie qualitativement plus haute, plus intense, plus épanouissante.
Je qualifie cette dernière indétermination du comportement humain de liberté absolue car elle n’offre qu’une seule option. En bout d’analyse, elle consiste à choisir entre un agir cohérent par rapport à la montée globale de la vie sur la courbe ascendante ou à poser des actes régressifs.
— Mais en quoi la vie morale des individus peut-elle déterminer le degré d’évolution de l’humanité dans son ensemble ?
— Pour le moment, nous ne pourrions pas nous attarder à cette question sans risquer de perdre l’altitude requise pour atteindre notre destination et conclure notre démarche ensemble. Dans la troisième partie de ma recherche, j’aborderai cette question en compagnie d’Ève. Je vous invite donc à vous y référer le moment venu. Postulons tout de même que les actes moraux, même s’ils sont accomplis nécessairement par des individus, se répercutent sur la vie sociale. Car ils produisent des effets qui influencent l’évolution globale de l’humanité.
Notons que les actes moraux dont il est ici question ne doivent pas être entendus dans le sens négatif de transgressions aux lois de la vie. Ils peuvent aussi être positifs et contribuer à l’essor vertical de l’humanité en s’inscrivant sous la mouvance de l’humanisation. Les œuvres au service des “faiblesses” humaines sont d’éminents actes moraux. Et d’emblée l’on peut reconnaître que les projets humanitaires qui prolifèrent particulièrement à notre époque tirent principalement leur énergie et leurs motivations de l’intériorité des personnes quand ils ne sont pas directement sollicités par la dimension religieuse.
Cela dit, venons-en à votre question. En substance, vous voulez savoir où en est l’humanité sur la courbe ascendante. Vers quelle destination se dirige-t-elle ?
Ma réponse tient en définitive dans les choix moraux auxquels nos sociétés se confrontent globalement aujourd’hui. L’humanité actuelle inscrit-elle son développement en cohérence avec l’essor de la substance vivante ou refuserait-elle de s’engager résolument dans cette voie ? Dans son orientation et ses choix, prolonge-t-elle la courbe ascendante vers un éventuel accomplissement ou se contente-t-elle complaisamment du niveau atteint jusqu’ici ? Se laisse-t-elle porter vers les hauteurs par l’élan qui veut la dynamiser ou tourne-t-elle le dos à l’admirable montée des vivants sur notre planète ?
Toute la question est de savoir si l’humanité va ou non poursuivre la marche vers un sommet qui n’est certes pas encore accessible. Le chemin de la vie est pourtant tout tracé. Il est possible d’en extrapoler les paramètres, d’identifier les balises de l’évolution future. Nous pouvons d’ores et déjà constater que la voie ascendante de la substance vivante va bien au-delà de l’homme actuel.
L’homme moderne ne représente pas le terme de l’évolution. Il n’est qu’en transition. Car la substance vivante n’est pas parvenue en lui au bout de son périple. Homo sapiens n’est pas un être achevé. Il peut et doit encore évoluer puisque sa structure n’est pas encore parvenue au dénouement du scénario de la vie. Et à cet égard, l’homme moderne est définitivement parvenu à une heure décisive. La planète tout entière est en attente de cette heure. Elle a besoin d’une libération du poids que l’humanité fait peser sur son devenir.
— Elle risque en effet de s’asphyxier sous la pollution. Mais comment l’humanité peut-elle s’en sortir ?
— À partir de ses humbles débuts, le genre humain s’est accru au point de remplir aujourd’hui la planète. Il n’existe pratiquement plus d’espace qui n’ait été exploré et occupé. Au troisième étage de la Maison de la vie, l’économie terrestre est bouclée, la planète est remplie jusqu’aux limites de ses capacités. Et même, l’incomparable fécondité de l’espèce s’est muée en une menace qui grève lourdement son devenir. L’explosion démographique inquiète et fait craindre pour la survie planétaire.
Dans toutes les directions du développement de l’humanité où l’on voudra porter son regard, que ce soient les dimensions sociales, politiques, psychologiques, morales ou culturelles, le devenir humain semble se boucher de plus en plus. On se heurte à des impasses. Si bien que les solutions trouvées aujourd’hui aux problèmes nouveaux qui surgissent avec une virulence sans précédent produisent parfois plus de mal que les maux à enrayer.
D’autre part, la rationalité, cette éminente prérogative du troisième niveau, passe par un état de crise. La fragmentation du savoir en spécialisations prive les individus de la vision globale dont ils ont besoin pour se situer adéquatement dans la réalité. À force de se confronter à des arbres, la rationalité a perdu de vue la forêt. C’est pourquoi elle est devenue insuffisante.
Pour se situer dans la réalité d’aujourd’hui, il est évident qu’il faut davantage que des exercices rationnels. Et même, dans bien des sphères de la pensée, la raison s’est égarée au point qu’elle est comme devenue folle en se mettant au service de forces répressives et régressives de la vie.
L’ensemble de ces facteurs négatifs indique qu’au troisième étage, le point de saturation de l’espace vital terrestre est atteint. L’humanité est parvenue à ce qui semble une impasse insoluble. Rien ne va plus. Que va-t-il se passer ? Les esprits sont inquiets. L’angoisse monte. Des forces négatives qui entraînent l’humanité sur la voie de la régression se manifestent avec de plus en plus de virulence dans la vie sociale du “village global”.
La pression vitale continue pourtant de s’accroître. Mais, semble-t-il, elle ne dynamise plus rien. Elle ne parvient plus à provoquer des transformations évolutives au troisième palier de la Maison de la vie. On peut être certain toutefois qu’elle va finir par faire éclater les obstacles actuels à la croissance. La substance vivante ne peut pas cesser de croître. Rien ne peut arrêter son dynamisme. Pour poursuivre son essor, elle devra donc déplafonner le troisième niveau. Elle devra émerger au quatrième, au-dessus de l’homme, pour se réinvestir plus haut et poursuivre sa route.
— Et ce déplafonnement serait proche de notre époque ?
— Il me semble à tout le moins inévitable. Notons l’accélération de l’évolution dans l’humanité. Au cours des derniers siècles, il y a eu plus de progrès accomplis dans la connaissance, plus de découvertes scientifiques, plus de changements culturels dans les mentalités qu’au cours du périple historique antérieur. Nous pouvons saisir la cause de cette accélération en nous référant à la courbe ascendante (Courbe V). Tout comme aux niveaux inférieurs, l’évolution au troisième a été très lente en ses débuts. Mais plus le temps avance, plus la courbe se dresse dans l’axe vertical. De sorte que dans un même laps de temps, un progrès plus grand peut s’accomplir à la fin comparativement au début. Au fur et à mesure que la substance vivante envahit la planète depuis les unicellulaires jusqu’à l’humanité, la distance parcourue par l’évolution s’accomplit de plus en plus rapidement dans l’axe vertical. En rapport au déroulement de l’espace et du temps de la matière, elle s’intensifie et s’accélère.
Or, dans l’axe vertical, celui des conceptions morales et spirituelles, l’humanité traverse, dans sa culture actuelle, une période négative. Le rejet des valeurs d’intériorité et de perfectionnement moral coupe l’humanité de l’essor vertical. Ce qui fait que la civilisation actuelle se rejette exclusivement sur la matérialité. Les humains sont de plus en plus sollicités dans leur développement par la jouissance, la consommation, le pouvoir.
Une telle orientation constitue un retour en arrière. Les plaisirs charnels, les biens matériels et le pouvoir politique sont des valeurs légitimes lorsqu’elles sont ordonnées à l’adaptation de l’humanité au contexte planétaire. Mais lorsqu’elles sont voulues exclusivement pour elles-mêmes, lorsqu’elles sont érigées en absolus pouvant définir le but de l’existence, elles entraînent l’homme sur une voie de régression vers un niveau inférieur où elles créent un monde de compétition et de rivalité qui ne recule devant rien, même la violence, le meurtre et la guerre, pour parvenir à ses fins. De sorte qu’au lieu de contribuer à élever l’humanité sur la courbe, elles la dégradent vers l’animalité du deuxième.
De toute évidence, ce n’est pas là la bonne direction de l’évolution. L’accroissement de la turpitude morale est un signe de régression et de dégénérescence et, peut-être même, de l’imminence d’une extinction de l’espèce en conséquence d’une catastrophe planétaire provoquée par l’humanité elle-même. Certes, l’humanité est parvenue au plafond du troisième étage. Mais elle demeure d’autant plus en danger qu’elle risque de chuter de haut.
< article_précédent _______________________________________________ article_suivant >






2 réponses à “18- Entre science et religion”
-
Il y a ici une démonstration de l’efficacité du postulat des deux substances, proposé au départ de la présente démarche philosophique. Il en découle ce diagnostic lucide sur la position de la société actuelle en regard de la courbe ascendante de la substance vivante. Contrairement à ce qui est cru dans la culture actuelle au pinacle de l’autosatisfaction narcissique, l’humanité présente apparaît engagée irréversiblement sur une voie de régression. En définitive, la sévérité de ce jugement radical dénonce l’aveuglement d’une humanité sans Dieu et sans espérance, égarée dans les labyrinthes de plus en plus obscurs de la matérialisation.
Mais la philosophie quantique n’a pas encore dit son dernier mot. Elle peut aussi voir dans l’état actuel une crise caractéristique précédant le déplafonnement de la substance vivante sur une nouveau palier. Une volte-face de l’humanité est encore possible. Ne peut-on voir ici se profiler le tremplin pour rebondir dans un “nouveau monde” ? -
Notre auteur introduit ici de manière directe la notion de « religion ». Il le fait en vue de préparer la 3e section de son livre. Il le fait également pour justifier l’importance du dialogue entre ces deux réalités.
D’entrée de jeu, pour le chrétien que je suis, parler de « religion » sans faire directement référence à la révélation chrétienne sonne un peu étrange. Nous sommes plus proche de ce que notre auteur appelle « philosophie quantique » ou encore de ce que les gens appellent aujourd’hui « spiritualité » que de la religion au sens chrétien du mot. Déjà, nous pourrions dire que, de la même manière qu’il y a des « niveaux » dans l’évolution de la vie, de la même manière il y a des niveaux dans l’évolution de la religion. Et la religion chrétienne se situe à un tout autre niveau que les autres religions.
Nous sommes donc une fois de plus confrontés à une difficulté de langage. Néanmoins, notre auteur poursuit sur sa lancée et il présente de manière assez claire la nécessité de faire appel à autre chose que la seule science pour comprendre le monde dans lequel nous vivons et nous comprendre nous-même dans notre relation avec ce monde. Il cherche clairement à nous sortir du « scientisme » ou de la « philosophie matérialiste » dont il parle si souvent. De même que la réalité est double : matière et vie, de même notre appréhension de la réalité sera double : science et religion. Un réel mutualisme est nécessaire.
Ensuite, sur une question d’Albert, il ose faire une tentative, fort heureuse d’ailleurs, de situer où en être l’être humain dans sa marche et sa montée évolutive. En langage catholique, on dirait qu’il cherche à interpréter « les signes des temps ». Son interprétation mérite notre attention. Elle rejoint, par une approche complètement originale, ce que d’autres penseurs ont tenté d’exprimer.
L’être humain, par sa rationalité qui cherche à comprendre le monde matériel en vue de s’y adapter, atteint un certain plafonnement. Il peut aller encore plus loin dans l’exploration de l’infiniment grand ou de l’infiniment petit (le nouveau télescope spatiale James Webb en est un exemple). Il peut aller plus loin dans le raffinement des technologie (l’IA en est un exemple). Mais cela crée une « saturation rationnelle » et, comme le dit notre auteur, un morcellement de la connaissance qui devient surspécialisée. Cela crée aussi une lassitude et un désintérêt qui se généralise et fait passer l’humanité, en particulier occidentale, dans l’ère de la post-modernité.
Si la modernité a marqué un certain sommet des « Lumières » et une suprématie de la rationalité, la post-modernité, elle, marque le triomphe de l’irrationnalité. La raison laisse la place à l’émotion dans la gouverne de l’humanité. C’est une tentative maladroite de retour au cœur. Dans son livre « ce que nous cherchons. 33 fragments », Alessandro Baricco, commentant les événements ayant entourés la dernière pandémie, mentionne que la science est comme devenue « inutilisable » parce que notre monde est trop complexe. L’inconnu de la pandémie n’était ni le virus, ni la manière de le traiter. L’inconnu était ce « monde nouveau » dans lequel nous évoluons, marqué par la mondialisation, les communications, une liberté multiforme, des gouvernements nationaux dominés par d’autres intérêts, etc.
Notre ami Paul arrive aussi à une conclusion semblable, par un tout autre biais. Le monde nouveau appelle à un « dépassement » et la « religion », au sens le plus noble de ce mot, y contribuera grandement, comme nous le verrons par la suite.
Laisser un commentaire
Vous devez vous connecter pour publier un commentaire.