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  1. COMMENTAIRE 1 « Albert : Instinct, rationalité, moi humain… Ce sont là des termes que vous utilisez sans suffisamment justifier…

  2. J’ai écrit quelque part que l’être humain est animal à l’extérieur et végétal à l’intérieur. Cet aphorisme aurait pu trouver…

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Préface

Cette étude sur « la mystérieuse vérité du réel » appelle le plus grand respect. Une technique habile du dialogue, quoique discrète, — avec Chris­tian, un croyant fondamentaliste, Albert, un agnostique, et Ève, tout amou­reuse — donne le ton. Ce livre est à lire à la manière d’une longue et tenace confidence, celle d’un ami de la vérité en lien avec le savoir et les inquié­tudes de son époque. Le lecteur, la lectrice, n’a pas à s’inquiéter : concilier religion et science suppose le meilleur de l’une et de l’autre. La référence biblique s’impose au départ quand il s’agit d’affirmer tout de suite l’unité de l’univers et, par elle, celle de son Initiateur.

Le Dominicain Benoît Lacroix est décédé en 2016 à l’âge de 101 ans. Le centenaire a été une figure reconnue et très prisée des divers milieux de la culture et de la spiritualité québécoises (photo Le Devoir).


Ce livre est écrit et pensé par un chrétien convaincu qui, finalement, se rallie à l’évolution comme accompagnatrice obligée de l’être. Être et deve­nir. Sois et deviens. Vis aujourd’hui, comme disaient les anciens, mais ne cesse pas de sculpter ta propre statue. Cet univers en devenir est mis à notre portée pour être soumis en principe à nos investigations et à nos réflexions. C’est tout l’univers, le cosmos au total, qui préoccupe notre auteur. Il lit, il relit la Genèse, la Bible, il revient à leurs symboles ; en même temps, il écoute les scientifiques, s’intéresse à la « philosophie quantique ». Cette exploration du réel l’oblige à tenir compte tout autant, sinon davantage, à ce qui est intériorité, esprit, âme. Souvent, l’âme est première dans l’ordre de la connaissance. Tout comme il arrive à l’intention de précéder l’action qui la légitime.

Une énergie primordiale, force de vie, anime, occupe, transforme l’uni­vers devant nous. « La vie est un dynamisme sans rupture, une force en état constant d’exercice, une énergie qui jaillit perpétuellement au pré­sent ». Comment ne pas rendre hommage aux biologistes, à toutes les obser­vatrices et les observateurs savants de la nature, aux astrophysiciens. Leurs conclusions sont souvent un appel implicite à la raison humaine. Voilà qui rassure notre auteur : quand il constate que des savants, parfois éloignés de toute démarche de foi, nourrissent ses propres croyances. Généreux comme toujours – c’est sa nature – Paul Bouchard salue aussi les poètes, les chercheurs du beau ainsi que toute personne qui, devant le spectacle grandiose de l’univers en évolution, s’émeut en suivant la tangente de l’intériorité. Avec d’autres observateurs de la nature, l’auteur proclame hautement que le chef-d’œuvre de notre univers demeure l’être hu­main, lui seul libre, capable du sacré, de religion. Il rejoint à sa manière les propos de Pascal sur la grandeur de l’intelligence humaine.

Engagé depuis longtemps dans la réflexion et le combat spirituel, notre essayiste constate que la même humanité, pourtant douée, réussit mal à maîtriser sa propre destinée. Elle ne cesse de prouver qu’elle a besoin d’être sauvée. Corrigée, rachetée, maîtrisée. Il lui arrive au fond de sa conscience alertée par ses malheurs, de s’éveiller à plus grand qu’elle-même, voire à se tourner vers ailleurs, vers l’Autre. Plus que souhaitable en effet, cette démarche axée sur

l’Absolu, le Tout Autre, a comme point de départ et d’arrivée l’amour de Dieu pour Lui-même. Un amour qui se répercute sur le prochain, appelé lui aussi à participer à la grande synthèse angélique. L’amour de Dieu et du prochain, c’est le ciment qui relie ensemble dans l’unité les divers éléments – les “cellules” que nous sommes déjà ou que nous sommes appelés à devenir – de l’immense Corps angélique.

Paul Bouchard a choisi d’y aller de sa propre évolution spirituelle. Un dialogue des plus fraternels s’engage alors avec Ève, dévouée elle-même à la vie et sensible à tous les malheurs qui surgissent ici et là. Pas facile. On peut parfois oublier l’essentiel : l’essentiel est souvent invisible, ou mal perçu. Et la souffrance ? Voilà un autre défi, même pour les plus spirituels d’entre nous. L’auteur personnalise en toute candeur sa lecture de la Bible. Dieu est présent dans la brise du jour, il n’est jamais loi. Survient la faute ; c’est l’éveil douloureux de la conscience coupable. Bien entendu, nos pre­miers parents sont des archétypes. Les propos de Paul Bouchard sur la femme, sur Adam, sur Caïn et bientôt sur Abraham sont tour à tour réalis­tes et teintés d’espérance. Une lecture spiritualiste de notre première his­toire de la faute nous laisse plus tolérants vis-à-vis de nous-mêmes. Ici s’affirme la liberté humaine et cela fait un grand bien. Au fait, deux voies sont offertes à l’humanité : l’une spirituelle et l’autre plus terre à terre. Nos choix sont des temps de grâce ou de déchéance.

Ces conversations avec Ève sont pleines de vérité à ne jamais oublier. « Il existe un conflit entre le Créateur et le monde ; il ne peut pas venir de Dieu puisque sa volonté est de le sauver. » De plus en plus s’affirme la foi chrétienne de l’auteur. Il le sait, s’en défend au besoin, s’oblige à revenir sur les pouvoirs de la raison humaine et sur l’intelligence nécessaire reliée à la vraie croyance. Il aime se rappeler à l’occasion les droits et les pouvoirs divins de la conscience, cette force intérieure capable de rendre les meil­leurs services à l’humanité sans cesse alertée par les misères de sa propre histoire.

Monsieur Bouchard va et vient dans ses propos. Il espère tellement con­vaincre. C’est ainsi qu’une noble discussion sur l’immortalité renvoie le lecteur de ce livre à se rendre compte des immenses potentialités de l’être humain en devenir de perfection et de vérité. Voilà qui évite le traumatisme d’une interprétation trop littérale et purement matérielle des origines de la vie. Faudra-t-il une autre digression pour délibérer « théologiquement » des souffrances ?

À votre décharge, ces digressions sont inévitables puisque la philosophie bien menée incline naturellement vers la foi… Il est bien clair, depuis le début de notre recherche, que j’ai choisi de croire. Je n’ai donc pas de réticence à faire quelques modestes incursions dans le domaine réservé à la théologie. D’ailleurs, en postulant une égale importance à l’intériorité et au monde objectif, je me dois inévitablement de tenir compte des avancés tout autant de la religion que des sciences.

Toujours sur le même ton intimiste, l’auteur peut s’engager dans d’au­tres évaluations du réel jusqu’à proposer des distinctions entre ce qu’il appelle l’ère cérébrale, l’ère cordiale, l’ère sensorielle. C’est que l’huma­nité est arrivée à un tournant. Le monde de la technique paraît annoncer un triomphe du matériel sur le spirituel. N’est-ce pas l’heure de la croix, de la souffrance ou de l’épreuve annonciatrice d’une renaissance ? Monsieur Bouchard l’affirme dans des termes qui sont finalement ceux de l’espé­rance chrétienne. « Si le grain ne meurt pas… » Le triomphe de l’amour plus fort que la mort n’est pas loin. « Chère humanité, que le feu de l’amour s’allume dans ton cœur ! »

Ce livre est celui d’un généreux « chercheur du réel », comme il se dit. Deux réalités s’entrecroisent : la réalité matérielle et la réalité spirituelle. « Mystérieuse vérité du réel ! » Penseur autonome, d’une sincérité con­tinue, à toute épreuve, ce journaliste engagé est par lui-même témoignage. Il pense, il écrit sur des sujets variés sans pour autant trahir son engagement fondamental.

En réalité, je n’ai jamais accepté une doctrine de foi avant d’avoir préa­lablement vérifié sa concordance avec la connaissance de la réalité à partir de laquelle je bâtis ma démarche philosophique. Cette connaissance m’est venue sous la forme d’une intuition intellectuelle qui a surgi spontané­ment dans mon esprit comme un “ flash ” inépuisable de profondeur, une inspiration non encore réduite en concepts. Ce n’est que secondairement que je l’articule en vérifiant son bien-fondé au même titre que vous, tant dans le monde objectif que dans la dimension subjective de l’intériorité. En d’autres mots, dans un premier temps, je fais l’analyse de la réalité globale telle que je la conçois et, dans un deuxième temps, je confirme sa véracité en la confrontant tant aux connaissances scientifiques qu’aux doctrines religieuses.

Ce texte, tour à tour savant mais adapté à tout lecteur de bon vouloir, est par lui-même un hommage à une réalité toujours en mouvance, comme un arbre fidèle à ses racines… Redisons-le : ces pages sont de toute évi­dence d’une sincérité exemplaire. Un profond respect pour tout ce qui est sacré et mystère les habite. Monsieur Bouchard a le goût d’aller en avant ; il espère la croissance spirituelle promise à toute âme de bonne volonté ; il veut apprendre à mesure qu’il écrit. Cette humilité est émouvante.

Bien sûr, il sait que tous ne seront pas d’accord. Il le prévoit. Parfois, il offre une réponse, d’autres fois, une hypothèse, toujours dans le sens du respect des normes qui sont les siennes. Une autre qualité remarquable de ce texte est son souci pédagogique. Voici un écrivain qui vous explique, résume, se répète au besoin. Tel un pédagogue toujours soucieux d’être lu et compris. Enfin, admirons la liberté d’un chrétien dont le premier soin est d’instruire et peut-être aussi de convertir. Le souci évangélique d’un apôtre convaincu ne peut être que bénéfique à tout lecteur, toute lectrice de ce livre, synthèse vivante d’un homme engagé et profondément croyant.

Le Père Benoît Lacrois a été reconnu comme théologien, médiéviste, exégète de l’oeuvre de Saint-Denis Garneau, philosopphe, spécialiste de la langue française. « Benoît Lacroix sait concilier de manière absolument remarquable sa contribution à la culture savante et son affinité avec les gens des milieux populaires. Cette présence aux deux extrémités de la culture, sans fausseté, sans artifice, est tout à fait exceptionnelle » — Fernand Dumont, sociologue et écrivain (photo Le Devoir).


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